Quelques minutes pour se retrouver
Deuxième rencontre du club de lecture la semaine dernière : “le roman historique et la volonté de comprendre”. Nous accueillons 3 nouvelles venues, Laura, Laura et Brigitte. Bienvenue !
Nous commençons par discuter des romans de la dernière fois. La jeune fille à la perle n’a guère soulevé d’enthousiasme. Adeline, elle, s’est attelée à Notre Dame de Paris. Nous attendons d’en savoir plus sur ses appréciations (PS : il y a toute une théorie autour de la symbolisation historique des 3 personnages masculins et de leur désir pour Esméralda, la perçois-tu ? Ceux qui l’ont lu, vous vous en souvenez ?).
Une question : le roman historique peut-il permettre de comprendre l’Histoire ?
C’était donc le thème de la soirée : le roman historique et la volonté de comprendre que nous exploreront à travers Une saison blanche et sèche, L’homme qui aimait les chiens, Le cœur glacé et Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates.
Que se cache donc derrière cet intitulé ?
Tout simplement l’idée que la compréhension du passé permet d’éclairer le présent. Par le biais des aventures des personnages auxquels il s’attache, le lecteur peut faire avec plaisir l’expérience de cette compréhension qui lui permettra ensuite de regarder différemment son propre temps.
Une réponse (un peu) théorique : 3 éléments indispensables…
Tous les romans historiques ne sont pas capables de porter ce questionnement. En fait, pour qu’ils puissent nous aider à porter un nouveau regard sur notre monde, il faut 3 éléments indispensables :
- Pour beaucoup d’auteurs, il s’agit de s’interroger sur les fondements de ce qui fait l’identité d’un pays (d’où beaucoup de romans sur la Révolution française chez nous, la guerre civile en Espagne…), la modernité de notre époque, l’origine de nos droits, devoirs et libertés.
- Lorsque la narration est faite de façon rétrospective, c’est-à-dire lorsque les personnages regardent depuis leur présent un moment du passé, ils peuvent aussi en proposer un bilan, en tirer des leçons.
- Enfin, dans ce type de roman historique, l’interrogation sur le passé est mise en scène par l’intrigue elle-même. Souvent, on se trouve face à une représentation du lecteur à l’intérieur du texte (par un personnage, un narrateur) qui est d’abord placé dans une position de départ où il se trouve soumis aux préjugés d’une époque. L’intrigue se base sur une série de révélations successives qui fascinent le personnage principal et l’oblige à chercher toujours plus loin derrière les apparences, quelles qu’en soient pour lui les conséquences. Grâce à ces péripéties, le lecteur lui aussi prend conscience de la réalité et est amené à mieux comprendre une société et son passé.
Retour à nos 4 romans historiques et à une GRANDE question : comment en sommes-nous arrivés là ?
Mais assez parlé de théorie ! Voici 4 livres, à la fois très différents et pourtant porteurs d’une même interrogation sur l’Histoire : comment en sommes-nous arrivés là ?
Une saison blanche et sèche : tragédies individuelles au cœur de l’apartheid
« Je dois m’efforcer d’être digne des exigences et des complexités de l’univers sociopolitique auquel j’appartiens. Et en même temps, je dois m’efforcer d’être digne des exigences de la création littéraire. Seule la qualité détermine l’efficacité. » André Brink.
Dans une Afrique du Sud où l’apartheid est perçu comme un cadre social normal et positif, un professeur blanc, Ben du Toit, confronté au décès d’un ami noir, se lance dans une enquête pour la vérité qui lui révèle le véritable visage du système. Une saison blanche et sèche est un livre dur mais qui resplendit de courage et d’humanisme, sans laisser de place au manichéisme. L’auteur sait aussi être poète ou philosophe : « Il n’existe que deux espèces de folies contre lesquelles on doit se protéger, Ben. L’une est la croyance selon laquelle nous pouvons tout faire. L’autre est celle selon laquelle nous ne pouvons rien faire. ». Sans aucun doute, une œuvre majeure d’André Brink.
L’homme qui aimait les chiens : des hommes et des idéologies pour un bilan du XX ème siècle.
Trois histoires se mêlent dans ce gros roman qui parcourt ainsi tout le XX ème siècle :
- Celle d’Iván, jeune cubain qui a subi de plein fouet les désastres politiques et sociaux des années 80. Iván rencontre un jour un homme mystérieux, qu’il baptise l’homme qui aimait les chiens et qui lui livre un secret terrible.
- Celle des dernières années de Trotski, depuis sa sortie d’URSS jusqu’à son assassinat à Coyoacán. Même si dès le début on connaît sa fin, l’auteur a su donner une grande intensité à la fuite de ce personnage, à la fois symbole politique et être souffrant.
- Celle de Ramón Mercader, l’assassin de Trotski, au travers de tous les événements qui l’ont façonné pour en faire un assassin, avant d’essayer de le faire disparaître jusqu’à nier son existence.
Ces trois histoires se rejoignent pour offrir un regard sur le développement, puis la chute des grandes idéologies du XX ème siècle. Mais en dehors de l’énorme documentation (Vingt ans de travail, affirme Padura !), ce qui séduit c’est la capacité de Padura (auteur de romans policiers à succès) à ménager le suspense, tirer les fils de l’histoire, jouer avec les personnages pour tenir le lecteur en haleine. Un livre peut-être un peu long mais fort et symbolique.
Le cœur glacé : une saga familiale qui fait une histoire de l’Espagne contemporaine
Le jour de l’enterrement de son père, Álvaro repère une jeune femme inconnue qui se glisse dans le cimetière et observe la famille avant de disparaître. Quelques semaines plus tard, en s’occupant de la succession, il la retrouve, et avec elle les mystères de l’histoire familiale, avant, pendant et après la guerre civile. Best-Seller en Espagne, Le cœur glacé mêle intrigue romanesque et fresque historique dans un texte très agréable à lire.
Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates : vivre la guerre en gardant humour et tendresse
En 1946, Une jeune écrivain en quête d’inspiration se rend à Guernesey et y découvre la vie, pendant l’Occupation, de personnages tous plus originaux et sympathiques. L’Histoire n’y a pas une grande place, mais cette aventure épistolaire est un tel plaisir de lecture… Humour et ironie austennienne se mêlent à une intrigue joyeuse et quelques réflexions humanistes pour le plus grand bonheur de tous.
Pour terminer, nous échangeons sur la BD, Adeline, Léa et Chantal nous parlent de L’arabe du futur dont l’histoire a beaucoup séduit. Puis Léa et Adeline, sortant du thème historique, nous font découvrir un album extravagant, Tony Chu, Détective cannibale. Humour désopilant et histoires invraisemblables mais bien menées semblent se donner rendez-vous. A découvrir !
Pour les affamés de littérature historique, quelques nouveaux titres :
Et vous ? Que lisez-vous en ce moment ?
Avez-vous retrouvé ces caractéristiques dans d’autres romans historiques ?
Pensez-vous aussi que lire sur le passé nous permet de mieux saisir notre présent ?
Avez-vous lu l’un des quatre romans ? Qu’en pensez-vous ?
Et n’oubliez pas, prochaine séance le 17 mars à 20H ! N’hésitez pas à nous confirmer votre présence, par mail, par facebook ou directement à la librairie.
Si vous avez lu l’un de ces livres, si vous en avez d’autres à conseiller, n’hésitez pas à commenter!