Trois conseils d’écriture de Gabriel García Márquez. Avouez-le, le titre donne envie ! Un atelier d’écriture animé par un Nobel, par l’auteur de livres aussi divers et somptueux que Cent ans de solitude, Chronique d’une mort annoncée ou L’amour au temps du choléra ! C’est un rêve devenu réalité. Pourtant, il me semble qu’à moins d’être un passionné de l’écrivain colombien, ce n’est pas non plus un ouvrage indispensable. Tout simplement parce qu’il ne s’agit pas d’un essai ou d’un livre de conseils. En fait, c’est la transcription des ateliers menés par García Márquez dans les années 80. Pas un livre à courir acheter donc, sauf pour trois conseils généraux, que chaque (aspirant) écrivain devrait toujours garder en mémoire. MODESTIE, AMBITION, MOYENS : les trois paramètres qui aident à faire le bon écrivain. Tout au long des ateliers de García Márquez, ces trois éléments, reviennent régulièrement. Et ce ne sont pas seulement des qualités qu’il propose mais bien une mise en pratique. La MODESTIE : ne pas avoir peur de couper. En premier lieu, il faut savoir accepter la critique et être soi-même critique vis-à-vis de son travail. Il faut écouter ce que disent les autres. Ne pas avoir peur de (beaucoup) couper. Ne pas hésiter à transformer, recommencer, même si vous avez l’impression que « ça fait bien ». Il faut apprendre à couper, à refaire. Un bon écrivain se reconnaît moins à ce qu’il a publié qu’à ce qu’il a jeté à la poubelle. Évidemment les autres n’en ont pas conscience mais lui, si. Il sait ce qu’il enlève, ce qu’il réécrit, ce qu’il améliore. Quand on recommence quelque chose c’est qu’on est sur la bonne voie [1]. L’AMBITION : La fictionmanie serait-elle le nouveau mot pour ceux qui sont obsédés par la création d’histoires ? Quoi qu’il en soit, le conseil de García Márquez, c’est de travailler et surtout de vous donner les meilleurs modèles. En résumé, vous voulez devenir écrivain ? Ce n’est pas suffisant, vous devez vouloir devenir le « meilleur écrivain ». Pour pouvoir écrire, on doit être persuadé qu’on est meilleur que Cervantès : sinon, on devient pire qu’on ne l’était en réalité. Il faut viser haut, essayer d’aller loin.[2] Les MOYENS : Travailler l’histoire et travailler le style. Bien sûr, tout le monde sait que ce sont des fondamentaux. Alors voici ce que précise García Márquez. D’abord, l’histoire ne doit pas être évidente. Ce ne doit pas être la première idée qui vous vient à l’esprit. L’histoire doit être complexe, profonde, avec plusieurs niveaux et cela… sans que ça se perçoive trop à la lecture. Quant au style, le plus important, c’est qu’il doit s’adapter à l’histoire, la servir, la soutenir. D’accord, me direz-vous, mais comment faire tout ça ? Il n’y a pas de recettes miracles, seulement beaucoup de travail et beaucoup de lectures. Souvent, on croit « tenir » l’histoire, on se dit que tout est résolu, et puis on se met à l’écrire et on se trompe de tonalité, de style. Il peut arriver que cette erreur conduise à une impasse. Par chance, nous avons en nous un petit détecteur qui nous permet de rectifier –et je dis « par chance » parce qu’il y a des méthodes proposées pour écrire des scénarios mais la vérité, c’est qu’aucune n’a la moindre utilité. Tout simplement parce que chaque histoire contient sa propre technique de narration. Le défi du scénariste, c’est de la capter à temps[3]. La préface : Alexandre Lacroix, qui a écrit la préface, prêche pour sa paroisse. Le fondateur de l’école d’écriture Les Mots (Paris) profite de l’espace d’expression de cette préface pour tenter de définir et surtout vanter les ateliers d’écriture. Mais surtout, Alexandre Lacroix clarifie l’un des présupposés de García Márquez, la différence entre l’idée (de départ) et l’histoire (obtenue à l’arrivée). L’idée : L’idée, c’est quelque chose qui se transmet rapidement. L’idée peut s’expliquer en quelques paroles. Elle n’a pas besoin de la personnalisation ou de la complexité des personnages et/ou de l’univers du récit. L’histoire : A l’inverse, dans une histoire, il y a de la profondeur, de l’opacité, des obstacles. Si on la résume en quelques mots, on doit sentir qu’on y perd quelque chose. Pour qu’il y ait une histoire, il faut qu’un ou plusieurs personnages, nettement décrits et situés, rencontrent des obstacles sur leur route. L’idée est du côté de la solution, l’histoire du côté du problème. L’idée est lisse, l’histoire est rugueuse comme la réalité. Ou mieux, une idée, c’est une histoire qui couche avec son lecteur dès la première ligne ; une histoire digne de ce nom, c’est au contraire une créature farouche et mystérieuse qui ne se livrera qu’à la dernière page[4]. Et voilà, donc maintenant, à vous de vous mettre au travail ! [wysija_form id=”1″] L’atelier d’écriture de Gabriel Garcia Marquez, comment raconter une histoire. Paris, Seghers, 2017, traduction par Bernard Cohen et préface d’Alexandre Lacroix. 455 p. [1] Op.cit, p. 25 [2] Op.cit, p.25 [3] Op.cit, p. 28 [4] Op.cit, p. 12