L’écriture et le printemps.
Oui, il y a un rapport entre l’écriture et le printemps, ou plutôt moi, j’en trouve un et j’espère qu’il pourra vous servir.
Pendant trois semaines, j’ai surveillé le mirabellier du jardin. Je n’arrivais pas à deviner si les bourgeons allaient produire des feuilles ou des fleurs. Il parait que des bourgeons pointus donnent des feuilles, des bourgeons ronds des fleurs. Je voyais plutôt de bourgeons pointus. Tout à coup, ils se sont arrondis. Un matin, les premiers d’entre eux avaient éclaté. Deux jours après, l’arbre était tout blanc.
Puis il a gelé. Il reste de tout petits fruits, certains encore verts d’autres bien trop marrons… et pour moi une grosse déception. Ce n’est pas cette année encore que nous cuisinerons les tartes et des confitures dont nous rêvions jusqu’à la veille.
Le printemps… et l’écriture
Dans l’écriture, je fais souvent la même expérience. D’abord, il y a cette petite idée, quelques mots ou une image qui sont comme les premières sensations, un frisson dans l’air un peu plus tiède, l’intuition que quelque chose peut paraître. Puis, si les conditions sont bonnes, l’idée parfois grandit. Arrive alors ce moment exaltant où l’idée toute neuve gonfle, se nourrit et semble porter en elle un monde de possibilités parfaites, de renouvellements et de réussites. Mais comme pour les bourgeons, il faut bien reconnaître que souvent l’idée avorte -ne désespérons pas non plus, nous n’aurons qu’à dire qu’elle prépare le terrain pour d’autres, qui, un jour j’espère, finiront par fleurir- pas assez nourrie, pas assez profonde, pas assez forte, encore pour fleurir puis mûrir en récit.
Je ne sais ce qu’il adviendra des fruits rescapés de mon mirabellier. Depuis six ans que nous l’avons installé dans le jardin, il n’a vraiment donné qu’une fois. Au niveau littéraire, j’ai trois gros projets personnels en cours et un projet en groupe, pour l’un de mes ateliers. Je suis assez optimiste pour le projet de groupe qui arrive bientôt à son terme. Pour mes projets personnels, c’est plus compliqué.
Une expérience partagée.
Ce qui me rassure, c’est que c’est une expérience semble-t-il assez commune. En ce moment, je lis le Journal d’un écrivain de Virginia Woolf et combien de fois passe-t-elle de l’exaltation la plus grande à la perte de confiance totale ? Dans les Journaux de travail de Steinbeck, dans certaines lettres de Flaubert, on trouve également les mêmes va-et-vient d’états d’âme.
Sans se comparer à ces grands auteurs, on peut au moins relativiser. Comme pour les fruits du mirabellier, on verra bien. En continuant bien sûr à travailler, amender, protéger, réfléchir, nourrir et surtout écrire, écrire, écrire.