L'Echangeoir d'Ecriture

Série: conseils et techniques d’écriture

Lutter pour l’excellence en littérature : chercher le mot juste

Le mot juste. Voici notre deuxième volet dans notre recherche de l’excellence en littérature. Chercher le mot juste, l’image nouvelle (Albert Camus et Sophie Divry) « Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde1 » Camus En littérature, chaque mot désigne et incarne une réalité. Se tromper de mot, c’est donc risquer de ne transmettre qu’une version troublée ou travestie de votre idée initiale. De même, chercher le mot juste revient aussi à être conscient des clichés, soit pour les éviter, soit pour jouer avec. Le mot choisi ne sera alors pas imposé par ce que l’on a l’habitude d’entendre. Ce sera celui qui dit le plus justement l’idée, l’image, la musique que nous souhaitons transmettre. Ainsi, nous pouvons espérer surprendre le lecteur et éveiller en lui un vrai plaisir esthétique. Car comme le dit Sophie Divry, la jouissance de la lecture : «  réside autant dans l’accord parfait entre l’idée et l’image trouvée que dans le plaisir de rencontrer un vocabulaire métaphorique rare et contemporain. Des images que les écrivains du passé n’auraient pas pu faire.2 »  Comment faire pour trouver le mot juste ? Avant ou en parallèle du travail de relecture. Prendre le temps de penser le thème de son texte. C’est-à-dire d’une part, se raconter sa propre histoire et l’observer de tous ses côtés. On peut essayer d’argumenter avec soi-même, avec nos raisons et nos perceptions. Ainsi on repoussera au maximum les limites de notre pensée. Une autre possibilité pour préciser l’univers de notre récit est de l’explorer avec les cinq sens, afin d’en trouver les détails les plus révélateurs. Car si l’auteur n’est pas capable de voir une atmosphère, comment pourrait-il la transmettre au lecteur ? Il importe aussi de ne pas négliger le temps pour laisser les choses décanter en soi. C’est ainsi que notre regard pourra peu à peu transformer un rapport au réel en récit. Un petit truc pour la relecture : Se relire de façon séquencée : phrase par phrase, puis paragraphe par paragraphe, puis page par page… En vérifiant ainsi l’usage des mots, leur signification, leur place, les jeux de sonorité, les échos… Et pourquoi pas, pareil à ceux qui, comme moi, ont des soucis en orthographe, commencer par la fin ? Cela oblige à penser les phrases comme autant de pierres à polir. Ensuite seulement, on peut recommencer une relecture par le début, et cette fois-ci vérifier l’harmonie du tout. Pour trouver le mot juste… purifier le texte (Saint-Exupéry) Il  semble que la perfection soit atteinte non quand il n’y a plus rien à ajouter mais quand il n’y a plus rien à retrancher.3 Peut-être que l’un d’entre vous sera capable de me démentir, mais je ne crois pas avoir jamais lu d’auteurs déclarant inutiles les suppressions dans la relecture. De Cervantès à  Garcia Marquez en passant par Stephen King, tous ont rappelé l’importance d’alléger les premières versions des mots, expressions, voir paragraphes inutiles. De façon plus générale, il n’est pas inutile de savoir choisir parmi les textes ébauchés, ceux que nous garderons et terminerons et ceux que nous laisserons de côté. Petit florilège des témoignages d’auteurs : ou comment trouver le mot juste de la façon la plus directe possible ! Miguel de Cervantès : “Se contenant donc dans les étroites limites de la narration, quoiqu’il ait assez d’habileté, de capacité et d’intelligence pour traiter de l’univers, [l’auteur] demande qu’on ne rabaisse pas son travail, et qu’on lui donne des louanges, non pour ce qu’il a écrit, mais pour ce qu’il a laissé d’écrire.” L’ingénieux don Quichotte de la Manche, II. Gabriel Garcia Marquez: “Il faut apprendre à couper, à refaire. Un bon écrivain se reconnaît moins à ce qu’il a publié qu’à ce qu’il a jeté à la poubelle. Évidemment les autres n’en ont pas conscience, mais lui si. Il sait ce qu’il enlève, ce qu’il réécrit, ce qu’il améliore.” L’atelier d’écriture de Gabriel Garcia Marquez. Stephan King : “tout texte peut, dans une certaine mesure, être resserré. Si vous n’arrivez pas à en enlever dix pour cent tout en conservant l’intrigue et le charme de l’histoire, c’est que vous n’essayez pas vraiment. Des coupes judicieuses ont un effet immédiat et souvent stupéfiant – un vrai Viagra littéraire. “ écriture, mémoire d’un métier. Comment faire : Se donner un nombre de signes maximum à ne pas dépasser est une excellente contrainte. Elle oblige à chercher le mot juste. Au fur et à mesure que vous vous connaîtrez mieux, vous serez capable d’affiner, à la façon de Stephen King, votre proportion idéale entre une première écriture et une version finale. On peut aussi considérer qu’un pas important est franchi dans notre rapport à l’écriture lorsque l’on devient capable de sacrifier les « belles inutiles ». Ce sont ces phrases certes bien jolies mais qui n’apportent rien au texte, en dehors du plaisir pris à les écrire. Personnellement, quand je les trouve vraiment chouettes, je les garde à part sur un autre cahier. Mais pour être honnête, jusqu’à présent, de toutes celles que j’ai gardées, une seule m’a resservie ! Il importe aussi de traquer les répétitions, pas seulement les répétitions de mots, mais aussi les répétitions d’idées, les paragraphes inutiles, les portions de vie des personnages sans rapport avec le centre du texte… Attention cependant : on nous apprend souvent à réduire les descriptions. Il est vrai qu’une description trop étendue est ennuyante. Cependant il ne faut pas oublier le plaisir esthétique du lecteur ! Faites en sorte que vos descriptions soit si signifiantes et suggestives qu’elles deviennent indispensables. Si elles ne le sont pas … et bien jetez-les ! Comment savoir si l’on a suffisamment supprimer ? Lisez votre texte à voix haute après l’avoir laissé reposer plusieurs semaines : si vous ne buttez pas sur les phrases et si vous ne vous ennuyez pas en relisant lentement, a priori vous êtes sur la bonne voie ! Et à chaque fois que vous avez envie de vous arrêter, rappelez-vous Saint Exupéry, la perfection ne sera là que lorsqu’il n’y aura plus rien pour gêner l’envie de poursuivre la lecture. Écouter

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L'excellence en littérature avec Eduardo Mendoza

Lutter pour l’excellence en littérature : des pistes pour un travail personnel

La question de l’excellence en littérature Il arrive parfois que l’on tombe sur une phrase qui nous happe et nous oblige à repenser votre manière d’être, ou d’écrire. Voilà quelques semaines, j’ai découvert cette remarque de l’écrivain espagnol Eduardo Mendoza : Il faut lutter pour l’excellence en littérature, que chaque phrase, même la plus insignifiante du livre, soit polie et retravaillée. (“Hay que luchar por la excelencia en la literatura, que cada frase, aunque sea la más tonta del libro, esté pulida y revisada”.Eduardo Mendoza, entretien pour El Pais).

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lire pour devenir un écrivain

3 qualités pour devenir un écrivain : 3/3, savoir s’entourer.

Nous voici arrivés à la troisième caractéristique pour tout auteur en devenir : l’entourage, élément clé pour devenir un écrivain. Savoir s’entourer, un indispensable pour devenir un écrivain : Savoir s’entourer, c’est trouver ces personnes, modèles, ressources, lecteurs et interlocuteurs privilégiés qui vous aideront à baliser votre chemin. Avoir des modèles, se construire pour devenir un écrivain : Combien d’auteurs l’ont dit : pour devenir un écrivain, commencez par lire ! La lecture est à la base de l’écriture, c’est elle qui permet de sortir du simple bavardage mis par écrit. Les livres bien pensés renouvellent notre vision du monde, les livres bien écrits nous font découvrir d’autres façons d’utiliser les mots, les livres mal finis nous signalent les écueils à éviter. Pour chaque auteur, les livres des autres sont les aunes auxquels mesurer nos échecs et nos réussites. Lisez les classiques car vous serez sûr d’y trouver la qualité, même si vous ne pouvez pas tous les appréciez. Lisez-les pour ce qu’ils ont apporté, montré, pour ce qu’ils ont su créer d’intemporel. Relisez ceux que vous aimez pour le plaisir, pour comprendre ce qui vous a fait les aimer. Lisez les contemporains pour sentir comment évolue le regard sur le monde, pour trouver ce que vous-même avez à apporter et que vous êtes le seul à posséder. Lisez-les pour profiter et grandir avec eux. Lisez-les pour découvrir ce qui vous y unit et ce qui vous en différencie. Lisez. Ayez des modèles. Analysez-les et essayez de vous mesurer à eux. C’est à ce prix seulement que vous pourrez peu à peu dégager votre propre personnalité d’écriture, vous différencier et vous affirmer. Avoir des interlocuteurs : Mais même en lisant, on reste toujours dans son coin. Or, avoir un regard critique sur soi-même est très difficile. Pour devenir un écrivain, il est donc indispensable d’avoir des interlocuteurs avec qui contraster nos idées pour mieux les comprendre et les approfondir. Il faut savoir écouter ce que les autres ont à dire. Il faut aussi être capable d’échanger sur nos pratiques d’écriture. Être capable d’ÉCHANGER : L’échange est à la base de l’écriture. D’une certaine façon, on écrit pour toucher l’autre, pour échanger avec lui. Pour devenir un écrivain et progresser dans son écriture, il faut être capable d’affirmer et d’expliquer ce que l’on fait. De la même façon, on doit savoir accueillir les idées différentes, pour se les approprier ou y réagir. Enfin, il importe de sortir de soi pour découvrir la nouveauté toujours recommencée du monde. C’est par le dialogue que l’on devient capable d’exprimer clairement les doutes, les raisons, les justifications, les désirs et les objectifs. Certes, le travail à plusieurs n’est sans doute pas l’image classique de l’écriture. Pourtant, si on y pense bien, combien d’écrivains se sont rejoints en « écoles », en « salons », ou en« académie » ? Combien se sont écrits, jugés ? Combien se sont critiqués entre pairs ? Sortir de sa zone de confort par l’échange : Une bonne histoire est une histoire qui nous bouscule, nous bouleverse. Pour parvenir à ce résultat, il faut que l’auteur ait accepté de sortir de sa zone de confort et pour cela quoi de mieux qu’un interlocuteur différent de lui ? Les ateliers, les plateformes, les lieux d’échanges fourmillent en ce moment. Ils facilitent les rencontres pour ceux qui veulent devenir un écrivain. Cherchez et vous trouverez forcément ce qui vous convient. (Vous pouvez aussi aller voir du côté de nos ateliers, ou des compagnons d’écriture, bien sûr !). L’entourage personnel de celui qui veut devenir un écrivain : S’il vient ici en dernier, l’entourage personnel est pourtant une composante importante de toute vie d’artistes. De Flaubert écrivant ses difficultés à Louise Collet à Hitchcock reconnaissant l’importance créative de son épouse Alma Reville en passant par Rodin et Camille Claudel, ils sont nombreux à avoir bénéficié d’un soutien actif de leur entourage, parents ou épouses, dans la plupart des cas. Il ne s’agit pourtant pas d’avoir autour de soi une famille ou des amis prêts à se prosterner au moindre petit écrit ou, pire encore, à écrire à votre place. Ce qui est nécessaire plutôt, ce sont des personnes qui vous reconnaissent le droit de passer du temps à écrire, qui vous y encouragent quand vous n’avez plus d’envie, qui vous remettent les pieds sur terre quand vos idées vous font perdre le sens des réalités. Des modèles, des lecteurs plus ou moins qualifiés, vous pourrez en trouver en cherchant même loin de chez vous. Un entourage qui sait accueillir et valoriser vos projets créatifs, c’est déjà un merveilleux point de départ. Et pour retrouver les autres articles de la série, c’est ICI [wysija_form id=”1″]

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connaître son écriutre

Connaître son écriture, 3 qualités pour devenir écrivain 2/3

Se connaître et connaître son écriture… Vaste programme qui semble nous mener loin de la littérature pour ce deuxième article de notre série “trois qualités pour devenir écrivain”. C’est pourtant un élément indispensable pour travailler de façon productive et avancer vers la réalisation de nos envies d’écriture. Nous poursuivons donc notre exploration des rapports entre musiciens et écrivains d’après l’article de Cyriaque.

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qualités pour devenir écrivain aimer travailler

Trois qualités pour devenir écrivain, d’après un blog de musicien 1/3.

Trois qualités pour devenir écrivain. Le titre vous surprend, c’est normal ! Je n’ai pas pu m’en empêcher. La raison en est simple. Cet été, en faisant des recherches pour créer un personnage, je suis tombé sur un article destiné aux musiciens mais qui s’adapte parfaitement aux écrivains.

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narrateur "tu". Maladie de Sachs

Narrateur, focalisateur : Quelques expériences d’auteurs pour relancer notre créativité.

C’est en s’appuyant sur les découvertes des autres que l’on fait grandir notre propre créativité. Donc, pour clore notre série sur le narrateur et le focalisateur, voici quelques expériences et innovations. A vous d’y puiser ce qui pourra servir vos propres projets, vous ouvrir de nouvelles portes d’écriture. Le regard de l’enfance : Ce que savait Maisie (Henry James) : Je vous en ai déjà parlé, Ce que savait Maisie est un tour de force en matière de narration. Maisie a cinq ans quand ses parents divorcent. Elle suit les tribulations de leur séparation, nouvelles rencontres, nouvelles séparations et perçoit aussi la dégradation de leur affection pour elle. La particularité du roman, c’est que tout est raconté à travers les yeux de Maisie : ce qu’elle entend, comprend ou ne comprend pas. Pourtant, elle n’est pas le narrateur, juste le focalisateur. Le comportement des adultes et leur impact sur l’enfance est ainsi remarquablement mis en scène. Le lecteur, quant à lui, est totalement attrapé dans les méandres des  incompréhensions enfantines. NB :On pourrait rapprocher le livre de James de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur (Harper Lee), sauf que dans ce dernier, deux voix se superposent. Ainsi, il y a celle de l’enfant et celle de l’adulte qui, plus tard, se souvient et organise la narration pour lui donner son sens. A travers les yeux des autres : La maladie de Sachs : Le docteur Sachs est le personnage principal du roman. Pourtant, il n’a quasiment jamais la parole. En effet, tout passe par des personnages secondaires (patients et proches) qui se transmettent la narration de chapitre en chapitre. Un texte prenant et très original. En entrelaçant les points de vue, il permet de reconstituer des vies tout en laissant au lecteur une large capacité d’interprétation. Surprenant et passionnant. – Eh bien, je ne sais pas par où commencer… Tu hoches la tête, Mmmhh. Tu pivotes vers les étagères, tu fouilles dans une des boîtes grises. Tu en sors une enveloppe brune. Tandis que je t’explique le motif de ma venue, tu sors de l’enveloppe un bristol quadrillé au format carte postale et tu le poses sur le plateau de bois peint ; tu tires un stylo plume noir de la poche de poitrine de ta blouse, tu dévisses le capuchon, tu l’ajustes sur le corps du stylo, tu tires un trait sur le bristol, tu marques la date près du bord gauche.   Autofiction, mythofiction, témoignage… : auteur et narrateur dans le texte. C’est la mode, répète-t-on, du retour sur soi. Certes, le postmodernisme a ses sujets préférés et l’autoanalyse flagellante ou bienveillante en fait partie. Quoi qu’on pense du sujet, il faut bien reconnaître que cela a amené d’intéressants jeux de narration.  Voici trois romans qui jouent avec l’implication de l’auteur dans son texte, à travers différentes formes de narrateur,  tant au niveau formel, de l’histoire ou du message transmis. HHhH (Laurent Binet)   Dans HHhH, Laurent Binet met en scène sa fascination pour un moment de la II Guerre Mondiale. Mais, sans doute, ce ne sont pas les faits racontés qui ont fait le succès du livre. Sa principale force réside dans le point de vue de narration, avec les doutes d’un auteur en proie aux exigences contradictoires du respect de la vérité historique et de la recherche stylistique du texte littéraire. C’est ce choix de narrateurs qui donne une nouvelle dimension au texte, qui force aussi le lecteur à voir au-delà de l’anecdote.     J’essaie d’imaginer le voyage. De son côté, lui essaie naturellement d’être le plus discret possible. Il parle allemand, certes, mais je ne suis pas sûr que son accent soit au-dessus de tout soupçon. En même temps, l’Allemagne n’est pas encore en guerre et les Allemands, même chauffés par les discours du Führer sur la juiverie internationale et l’ennemi intérieur, ne sont pas pour autant sur le qui-vive qu’ils pourront le devenir. Par précaution cependant, Moravec choisit sans doute, pour acheter son billet, le guichetier dont la mine lui semble la plus avenante, ou l’air le plus demeuré.    D’après une histoire vraie versus Le royaume des voix.  D’après une histoire vraie  (Delphine de Vigan) indique la couleur dès le titre. Entre témoignage et fiction, l’auteur va jouer avec les événements vérifiables et ceux qui ne le sont pas. De Vigan entraîne le lecteur dans un dédale où le texte n’est plus seulement à lire pour lui-même. Il s’agit plutôt d’une façon (trompeuse ?) de s’approcher d’elle et de sa vision de l’écriture. Le texte fait un peu trop télé-réalité à mon goût. Je préfère les mythofictions à la Muñoz Molina dans Le royaume des voix. Dans ce cas, l’auteur se sert de sa propre expérience mais le but n’est pas de parler de lui-même. Il s’agit à travers une grande fresque familiale de reconstituer une époque, un lieu, un monde en train de disparaître. Laetitia   On pourrait dire que le livre de Jablonka est le contre-pied des deux avant-derniers exemples. Au contraire de HHhH et D’après une histoire vraie, si l’auteur s’implique dans le narrateur, c’est pour mieux marquer la distance, pour mieux tenter de montrer les faits nus. Il écrit en historien et en sociologue tout en retraçant une vie le plus fidèlement possible. Là encore, c’est la position de narration qui est le moyen privilégié pour l’auteur de venir à bout de son projet.     Je ne connais pas de récit de crime qui ne valorise le meurtrier aux dépens de la victime. Le meurtrier est là pour raconter, exprimer des regrets ou se vanter. De son procès, il est le point focal, sinon le héros. Je voudrais au contraire, délivrer les femmes et les hommes de leur mort, les arracher au crime qui leur a fait perdre la vie et jusqu’à leur humanité. Nous pas les honorer en tant que « victimes », car c’est encore les renvoyer à leur fin ; simplement les rétablir dans leur existence. Témoigner pour eux.   Et pour vous, quelles sont les voix narratives qui vous ont le plus marquées ?

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qui réalise l'acte de décrire ?

Les focalisateurs : voir l’action à travers un regard

Qu’est-ce que les “focalisateurs” ? “Focalisateurs”, encore un terme technique ! Mais surtout, encore une astuce d’écriture à connaître et prendre en compte.  Le focalisteur, comme nous l’avons déjà dit, est celui à travers qui le lecteur regarde l’action… Grâce à lui, nous avons accès à un plus ou moins grand nombre d’informations selon qu’il s’agisse d’un focalisateur neutre, personnage ou général. Plus souple que le narrateur, il peut évoluer à l’intérieur d’un même texte et créer ainsi des effets intéressants. Trois focalisateurs avec lesquels jouer : Il existe trois types de focalisation, qui permettent de varier l’amplitude des connaissances auxquelles le narrateur, et donc le lecteur, auront accès : FOCALISATION ZERO : le narrateur a accès à tous les points de vue des personnages et passe comme il veut de l’un à l’autre. C’est souvent le cas lorsque l’on a un narrateur externe (hétérodéigétique). FOCALISATION INTERNE : le narrateur n’a accès qu’à la perception d’un personnage. Le plus souvent c’est le cas d’un narrateur personnage. Mais il peut s’agir aussi d’un narrateur externe qui raconte depuis le point de vue d’un seul personnage comme dans Ce que savait Maisie. FOCALISATION EXTERNE : le narrateur n’a pas accès à l’intériorité des personnages. Il ne voit que ce qui se passe, comme un œil extérieur, sans être capable de saisir les pensées, émotions, raisonnements… Comme une caméra. Un exemple pour plus de clarté : Une image étant plus facile à comprendre qu’un discours, je vous propose de regarder les exemples de l’infographie. Dans les trois cas, le lecteur se trouve face à la même situation, avec un narrateur hétérodiégétique (qui raconte le récit du dehors, à la troisième personne). Ce qui change c’est le point de vue porté sur l’action. FOCALISATION ZERO : Dans le premier exemple, le lecteur « perçoit » l’information grâce à un focalisateur qui sait tout. Il sait ce que pense Jean, ce que ressent sa femme, et même la suite de l’histoire. Il s’agit de la focalisation zéro. On parle aussi parfois de narrateur omniscient. FOCALISATION INTERNE : Dans le deuxième cas, le lecteur perçoit la même chose que Jean, ni plus ni moins. C’est donc une focalisation interne, depuis l’intimité d’un personnage. Il ne peut y avoir d’explication ni de données sur l’épouse. FOCALISATION ZERO :Dans le troisième cas, on « voit » les personnages depuis l’extérieur, mais on ne sait rien de leur intériorité. C’est la focalisation externe. Jouer avec la focalisation Dans un roman, lorsque l’on a un narrateur hétérodiégétique, on peut passer de l’une à l’autre des focalisations, parfois sans même sans rendre compte. Cela peut d’ailleurs créer des effets intéressants : Effet de zoom, si l’on va d’une focalisation externe jusqu’à une focalisation interne. Impression de multiplication, si l’action est successivement rendue par la focalisation interne de plusieurs personnages. Effet d’empathie, si quelque chose est transmis par le regard d’un personnage, on a l’impression de réagir « avec lui ». … A vous de voir comment vous souhaitez doser l’information donnée au lecteur. Et n’oubliez pas que jouer avec la focalisation, c’est choisir par quel biais la donner pour qu’elle soit plus percutante, plus plaisante, plus adaptée à votre texte ! Bibliographie : Vincent Jouve, La poétique du roman, Armand Colin, 200, chp.2. Pour suivre l’actualité de l’Echangeoir d’écriture, abonnez-vous à l’infolettre : [wysija_form id=”1″]

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La narration en résumé

Narration, narrateurs, focalisateurs, le RETOUR !

Retour sur les techniques de narration Au mois de septembre, nous avions commencé un parcours autour des techniques de narration. L’objectif était de mieux comprendre et utiliser les notions de narrateurs et focalisateurs. Et puis, je me suis trouvée embarquée dans une formation très intéressante et très intense qui m’a demandé beaucoup de temps… Mais je ne vous ai pas oubliés ! Et j’ai même appris de nouvelles choses à partager avec vous, de quoi rendre le blog encore plus beau, plus intéressant, plus lisible ! La narration en résumé:  Alors pour commencer, je vous propose de reprendre notre aventure dans les voix/es d’écriture par un bref résumé en image : Vous vous souvenez ? L’auteur écrit le livre. Le(s) narrateur(s) raconte(nt) l’histoire. Le(s) focalisateur(s) voi(en)t l’action. et en ajoutant ses différentes strates, on obtient le système narratif d’un texte. Apprendre à jouer avec la narration Mais ce qui est vraiment génial, c’est qu’en jouant avec ses différentes instances, on peut totalement modifier l’aspect d’un roman ou d’une nouvelle. On peut produire des effets différents sur le lecteur, créer du suspens, faire passer des informations… En parlant de suspens, c’était juste un article pour se remettre dans le bain… Mais la semaine prochaine, je vous inviterai à découvrir différentes façons de s’approprier le narrateur ! Un instrument de taille pour votre boite à outils d’écrivain !

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choisir sa narration

Choisir son narrateur, comprendre la narration 1/4 : repères et définitions.

J’entends souvent des questions sur le narrateur. Le plus souvent, c’est « c’est mieux d’écrire en première ou en troisième personne ? ». Il n’y a qu’une bonne réponse : cela dépend du texte. Mais pour savoir quoi décider, il importe de comprendre ce qu’apportent les choix de la narration. Aussi je vous propose aujourd’hui un point sur quelques repères indispensables. Ensuite, dans les semaines qui viendront, j’approfondirai le concept de narrateur puis de focalisateur. Enfin, je terminerai par  un balayage des modes et expérimentations actuelles en matière de narration. Ainsi, nous serons tous armés pour un nouvel appel à textes sur le thème du narrateur ! Quelques repères indispensables de la narration : auteur, narrateur, personnage, focalisateur La base de la base en matière de narration ! Il y a deux choses indispensables à retenir et je demande pardon d’avance à tous ceux pour qui c’est évident. En premier lieu: l’auteur et le narrateur d’un texte romanesque sont TOUJOURS deux instances différentes. Ensuite, il y a TOUJOURS dans tout texte romanesque un narrateur, même si on ne le « voit » pas à la lecture (s’il s’agit d’un narrateur externe). Comparez, par exemple les textes d’un auteur qui écrit pour les adultes et pour les enfants. Dans chacune de ces catégories de livres, il usera d’une voix différente : son narrateur sera différent. Auteur et narrateur L’auteur : un être physique Donc, l’auteur n’est pas le narrateur et inversement, et cela même si ces dernières années ont vu pleuvoir les livres jouant sur l’ambigüité, le faire-vrai et, il faut le dire, une certaine tendance au nombrilisme. En résumé, l’auteur c’est l’être physique qui a écrit le roman, qui l’a envoyé à une maison d’édition et dont vous pouvez trouver la photo. Le narrateur, une voix de papier: Le narrateur c’est celui qui, à l’intérieur du texte, raconte. C’est une voix, un être de papier qui peut se rapprocher de l’auteur mais n’est jamais complètement lui. Par exemple, on ne peut pas confondre Nabokov avec le narrateur de Lolita, le pathétique Humbert Humbert. Dans ce cas, c’est facile de les différencier. Dès les premières pages, l’auteur donne quelques indications biographiques qui, malgré l’utilisation du « je », permettent au lecteur curieux de tout de suite comprendre qu’il s’agit de deux entités différentes. Et pourtant, Nabokov a eu bien des problèmes avec des lecteurs qui l’assimilaient à son narrateur ! Parfois c’est plus compliqué. Ainsi de nombreux auteurs contemporains (Delphine de Vigan, Laurent Binet…) s’amusent à brouiller les limites, à proposer des narrateurs qui ont les mêmes données biographiques qu’eux, même si… Même si, lorsqu’on est dans du roman, cela reste du roman et donc une mise en fiction, qui transforme la réalité. C’est pourquoi, on ne peut pas confondre un roman avec un essai historique ou un article d’investigation (même s’il est arrivé que des romans servent de preuves dans des histoires criminelles ! ) Narrateur et focalisateur : Si le narrateur est celui qui raconte, le focalisateur est celui qui voit. Quelle différence me direz-vous et pour quoi faire ?   Et bien, selon les cas, la différence peut être énorme. Bien sûr, c’est moins vrai dans le cas d’un récit à la première personne, où celui qui raconte est aussi celui qui regarde. Mais dans un récit à la troisième personne, les possibilités de combinaison sont multiples. Ainsi, dans un récit à la troisième personne, le narrateur peut « voir » à travers différents personnages. Il peut être engagé,  neutre, absent ou omniprésent. Avec un exemple, c’est plus clair ! Comme la théorie n’est pas toujours très claire, prenons l’exemple de Ce que savait Maisie d’Henry James. Le roman raconte le divorce d’un riche couple à la fin du XIX à travers le regard de leur fille, Maisie. Maisie n’est pas la narratrice puisqu’elle est présentée à la troisième personne. Pourtant, tout ce qui apparaît dans le texte est connu à travers son seul regard. Le narrateur ne dit que ce qu’elle sait, avec sa perception d’enfant qui ne comprend pas tout. Dans ce cas, il y a donc un narrateur externe en troisième personne plus un focalisateur : le regard d’enfant. Bien sûr, ce mélange donne au texte une force extraordinaire. C’est lui qui permet de souligner la violence des parents et l’abandon de l’enfant, perdue dans le monde des adultes. Mais, si Maman n’était pas jeune, elle était donc vieille, et cette lumière nouvelle éclairait bizarrement le mariage de Maman avec un homme jeune.[…]Ces découvertes déconcertantes ajoutaient à la confusion d’idées chez l’enfant ; aucun de ces gens, semblait-il n’avait l’âge qu’il aurait dû avoir. C’était surtout vrai de Maman, et elle se réjouit davantage de n’avoir pas discuté avec Mrs Wix le degré d’affection que Sir Claude portait à sa femme. En conclusion ! Voyez-vous maintenant les différences et ce que leurs connaissances peuvent vous apporter ? Grace aux narrateurs et focalisateurs, vous pouvez jouer sur les indications que vous donnez au lecteur. Vous pouvez aussi lui faire prendre une part plus ou moins importante dans la construction de l’histoire. Dans un prochain article je vous détaillerai les possibilités qui existent pour le narrateur. En attendant, n’hésitez pas à nous contacter, si vous avez des questions. [wysija_form id=”1″]

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