Nous voici enfin arrivés au moment-clé ! Mais avant de découvrir ces 4 conseils pour écrire une nouvelle, attaquons-nous au grand problème. Qu’apporte l’écriture de la nouvelle ? Et à quoi doit-on penser lorsque l’on veut écrire une nouvelle ?
La nouvelle est un genre très sophistiqué, qui réclame des lecteurs cultivés, des gens qui ne confondent pas la quantité avec la qualité.
Clara Obligado, nouvelliste argentine[1].
Écrire des nouvelles, est-ce que ça en vaut la peine ?
La nouvelle n’est pas un genre à la mode. Même si les concours de nouvelles sont nombreux, il est rare que les textes des nominés arrivent au grand public. Certains se demandent peut-être si cela vaut la peine d’y consacrer du temps au lieu de se lancer dans des projets plus éditables. Pourtant, la nouvelle est un exercice extrêmement formateur et un formidable champ d’expérimentation. Si vous hésitez encore, voici quelques arguments en faveur de la nouvelle.
- C’est un format court : donc on peut s’y consacrer sans désespérer du temps passé.
- Parce qu’elle est courte, elle peut facilement être remaniée, retravaillée sans que l’on soit effrayé du travail à (re) faire.
- Parce qu’elle n’est pas très commerciale, c’est un champ d’expérimentation littéraire plus libre.
- C’est un type d’écriture qui demande une très grande concision, donc qui apprend beaucoup.
- Il existe beaucoup de concours de nouvelles et quelques très bonnes maisons d’éditions qui en publient. Pour ceux qui visent la publication, elles restent donc une possibilité de se faire connaître.
En résumé, la nouvelle est le genre idéal pour apprendre ou perfectionner l’art de l’écriture.
Je propose de partager avec vous quelques conseils pour écrire une nouvelle, glanés chez les auteurs, les éditeurs, les critiques et aussi un peu dans ma pratique personnelle. A l’origine, je ne voulais faire qu’un seul article sur ce sujet, mais ce serait trop long, alors je vous propose aujourd’hui les conseils généraux et après-demain les trucs et méthodes pour les formes spécifiques (nouvelles à chute, nouvelle instant…)
2 conseils pour écrire une nouvelle d’ordre général :
Lire, lire mais lire en écrivain
Ça, c’est un conseil ultra général, mais il reste fondamental. Imprégnez-vous des meilleurs auteurs de nouvelles. Lisez pour le plaisir. Lisez pour l’écriture. Laissez-vous porter par les histoires tout en prenant des notes. Notez ce qui vous a plu et aussi ce qui vous a déplu. Ce que vous aimeriez imiter, ce que vous ne voudriez surtout pas faire. Ce que vous aimeriez transformer, faire vôtre, subvertir, réutiliser. C’est ainsi que vous forgerez votre pensée, votre langue et tous vos instruments d’écriture. C’est ainsi que vous trouverez votre style.
(Et si vous manquez de référence, la semaine prochaine, je vous transmettrai une bibliographie exclusivement consacrée à la nouvelle)
S’approprier la forme
Mais lire ne suffit pas. Voici quelques conseils de travail qui peuvent servir aux auteurs débutants comme aux plus confirmés. Si vous avez bien suivi les articles précédents (et oui, il y a une logique !) ils ne devraient pas vous surprendre.
Petit vade-mecum à l’usage des pressés : la base des conseils pour écrire une nouvelle
- Ne partez pas dans tous les sens, restez sur une idée et approfondissez-là au maximum.
- Ayez à l’esprit une intrigue claire et efficace.
- Centrez-vous sur le plus petit nombre possible de personnages.
- Prévoyez la fin avant de commencer à écrire.
- Coupez tout ce qui n’est pas strictement nécessaire à l’avancée de l’intrigue.
- Expérimentez : tentez de nouvelles formes, de nouveaux genres, lancez-vous des défis !
Deux savoir-faire incontournables :
Prévoir l’effet
Que vous écriviez en vous laissant porter par votre inspiration ou que vous commenciez par faire un plan, si vous vous lancez dans l’écriture d’une nouvelle, à un moment ou à un autre, il faut vous arrêter et réfléchir à ce que vous écrivez. Vous devez avoir une vision globale de ce que vous voulez réaliser, de l’effet que vous voulez produire sur le lecteur. Soyez capable de répondre à une question du style : qu’est-ce que mon histoire doit transmettre au lecteur ? Une fois que vous avez la réponse, faites-en la prémisse de votre récit et plus encore, faites en sorte que tout le récit, de la première à la dernière phrase ait pour but de faire fonctionner cette prémisse, de générer cet effet sur le lecteur.
L’artiste, s’il est habile, n’accommodera pas ses pensées aux incidents, mais, ayant conçu délibérément, à loisir, un effet à produire, inventera les incidents, combinera les événements les plus propres à amener l’effet voulu. Si la première phrase n’est pas écrite en vue de préparer cette impression finale, l’œuvre est manquée dès le début.
Baudelaire, Notes nouvelles sur Edgar Poe
Travailler la concision
Parce qu’elle est courte, la nouvelle est le lieu de la concision. Tous les auteurs l’ont dit à un moment ou à un autre, il faut savoir choisir, ne pas trop dire. Alors n’hésitez pas à couper, à ciseler, à inciser. Comptez sur les silences, les non-dits : les lecteurs sont intelligents et leur inconscient remplira les blancs. Vous devez arriver à une unité et une clarté d’intrigue qui créera une tension interne et pour cela chacun de vos mots doit servir votre but de narration. Mais bon, n’oubliez pas non plus de faire une relecture pour vérifier que votre récit reste compréhensible !
L’unité d’impression, la totalité d’effet est un avantage immense qui peut donner à ce genre de composition une supériorité tout à fait particulière, à ce point qu’une nouvelle trop courte (c’est sans doute un défaut) vaut encore mieux qu’une nouvelle trop longue. Dans la composition tout entière il ne doit pas se glisser un seul mot qui ne soit une intention, qui ne tende, directement ou indirectement, à parfaire le dessein prémédité.
Baudelaire, Notes nouvelles sur Edgar Poe.
Si vous gardez cela à l’esprit, vous avez les principaux ingrédients pour vous lancer dans l’écriture de la nouvelle. Et pour ce qui est des formes particulières (nouvelle à chute, nouvelle instant, nouvelle expérimentale…) rendez-vous jeudi. Vous pourrez découvrir quelques techniques et conseils plus spécifiques.
[1]Clara Obligado, interview donnée à El país, le 10/02/2107, http://cultura.elpais.com/cultura/2017/02/10/babelia/1486737907_420709.html (interview originale en espagnol.) Toute les citations sur cette page proviennent de cette interview. La traduction est personnelle.