Première rencontre avec L’ anatomie du scénario
Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de participer à un atelier d’écriture d’Alain Absire (prix Fémina, 1987). Pour être honnête, l’atelier ne m’a pas laissé de grands souvenirs, en dehors d’une jalousie chronique envers les québécois qui ont la possibilité de faire des masters et des doctorats en écriture créative. Néanmoins, c’est lors de cet atelier que j’ai entendu parler pour la première fois de L’anatomie du scénario (John Truby) et rien que pour ça, ça valait la peine d’y aller.
Alain Absire avait présenté le livre de Truby comme la Bible de tout écrivain débutant. Si vous ne le connaissez pas, je vous propose de vous y attaquer tout de suite !
L’ anatomie du scénario : un ouvrage ample, concis et précis.
Dans son ouvrage, John Truby part du principe qu’une bonne histoire n’est ni une structure mécanique, ni une belle anecdote que l’on pourrait raconter n’importe comment. Une bonne histoire, pour Truby, est une histoire organique. Elle évolue comme le ferait un être vivant. Elle doit toucher le lecteur émotionnellement et intellectuellement. Enfin, elle doit aussi être symbolique pour offrir une meilleure compréhension de la vie.
Vaste programme, n’est-ce pas ?
Une bonne histoire est une histoire organique. Elle évolue comme le ferait un être vivant. Elle doit toucher le lecteur émotionnellement et intellectuellement. Enfin, elle doit aussi être symbolique pour offrir une meilleure compréhension de la vie.
Aussi ambitieux soit-il, John Truby croit que chacun peut s’en approcher avec un peu d’imagination et les techniques adéquates. Il propose donc un chapitre sur la prémisse (travailler son idée) et ensuite un chapitre pour chacune des étapes de la structure narrative. Sont traités les personnages, le débat moral, l’univers du récit, le réseau de symboles, l’intrigue, le tissage des scènes, la construction des dialogues.
Les points les plus intéressants
En plus de la richesse des thèmes abordés, la façon d’expliquer et d’illustrer rend le livre passionnant et facile à lire.
- Pour moi, les chapitres les plus intéressants sont celui sur la prémisse (créer, affiner, approfondir une idée) et celui sur le débat moral. John Truby y montre comment un livre accroche par l’évolution d’un personnage qui implique émotionnellement le lecteur. (On parlerait de « projection » en psychologie). Il découvre ensuite différentes techniques pour créer ce vécu chez le lecteur.
- Par ailleurs, chaque explication est suivie de plusieurs exemples (romanesques ou cinématographiques) qui sont analysés pour en révéler le fonctionnement. Outre le fait que cela multiplie les idées d’écriture, vous n’en sortirez pas sans avoir envie de revoir Le Parrain, relire Les Hauts de Hurlevent ou redécouvrir Casablanca, en vous demandant comment vous n’aviez pas perçu tous ces détails plus tôt…
- Troisième élément : les fiches d’écriture. Chaque chapitre se termine par un exercice permettant de tester tout ce que l’on vient d’apprendre. C’est idéal pour mémoriser les informations et aussi les adapter à ses propres projets. Allez, au travail !
- Enfin, dernier point non négligeable, la présentation est claire et soignée. Il y a des schémas, des encadrés, des rappels… Le style est fluide. Les résumés des œuvres analysées coupent agréablement les parties didactiques. On lit avec intérêt, avec passion et sans avoir l’impression d’étudier.
Quelques éléments à nuancer
L’ anatomie du scénario procède pourtant d’une vision unique de la fiction. Pour Truby, une bonne œuvre raconte une transformation morale à travers une structure et des symboles, quel que soit le genre de la fiction. A l’en croire, il ne pourrait y avoir d’œuvre valable en dehors des cheminements initiatiques ou d’apprentissage. Or, on sait bien que ce n’est pas le cas. Je pense notamment au genre policier ou historique. Marlowe, Adamsberg, Brunetti et compagnie se transforment-ils radicalement à l’intérieur de chaque œuvre ? Non, évidemment. Sinon l’idée même de la série ne serait pas viable. (Attention, je ne dis pas qu’ils n’évoluent jamais. Je souligne juste que ce n’est pas une transformation ontologique, qui remet en question la nature du personnage).
D’autre part, il s’agit d’écriture du scénario. Donc, même si tous les conseils sont applicables à d’autres formes d’écriture, il reste qu’il manque les questions spécifiques à l’écriture littéraire. Vous n’y trouverez rien sur le style, le rythme, les figures….
A vos plumes !
Malgré ces quelques nuances, c’est un ouvrage que je recommande vivement. Personnellement, je l’utilise autant pour préparer un projet que pour cibler des pistes de relectures ou créer une proposition pour un atelier. Bien sûr, il ne s’agit pas de le suivre à la lettre. Mais, dès que l’on adapte ce type de conseils à son propre travail, c’est extrêmement enrichissant.
Envie de tester ? Prenez un exercice d’écriture et postez-nous le résultat ! J’ai hâte de voir vos propositions.