Pourquoi (re)lire L’art du roman
Je ne sais pas si c’est pareil pour vous, mais après trois semaines sur la nouvelle, j’ai envie d’autre chose. En fouillant dans ma bibliothèque, j’ai retrouvé L’art du roman. Je me suis rappelé à quel point ce livre m’avait paru enrichissant. Après tout, le roman, ce n’est pas seulement, une nouvelle un peu longue… Et le livre de Kundera offre des clés et des pistes pour tout amateur de littérature et tout écrivain qui veut penser l’écriture.
Un essai aussi agréable à lire qu’enrichissant
L’art du roman est un livre bref qui explore ce que pense Milan Kundera, en tant qu’auteur, de l’art qu’il pratique.
Le monde des théories n’est pas le mien. Ces réflexions sont celles d’un praticien. L’œuvre de chaque romancier contient une vision implicite de l’histoire du roman, une idée de ce qu’est le roman. C’est cette idée de roman, inhérente à mes romans, que j’ai fait parler.
Ce qui me frappe le plus dans ce texte, c’est la capacité d’éclairage de Milan Kundera, sa façon de pointer des éléments et de nous en révéler une nouvelle possibilité d’interprétation, d’utilisation. En général, c’est un texte qui permet de penser l’écriture tout sortant de la technique pure. Avec lui, nous prenons de la hauteur et de la distance, nous réfléchissons à ce que représente le fait de raconter et à ce que l’on veut raconter.
Pour les apprentis-auteur
Ainsi, en tant qu’apprentie-auteur, les deux apports qui m’ont le plus inspirée sont sa perception de la fonction du roman et celle du personnage. En voici un résumé.
Une définition opératoire du roman
Pour Kundera, le roman est un espace d’exploration du monde, un lieu de connaissance, de questions et de refus du manichéisme.
L’esprit du roman est l’esprit de la complexité. Chaque roman dit au lecteur : « les choses sont plus compliquées que tu ne le penses. » C’est la vérité éternelle du roman mais qui se fait de moins en moins entendre dans le vacarme des réponses simples et rapides qui précèdent la question et l’excluent.
Une telle conception du roman ouvre de tant de portes pour l’écrivain ! Représenter le monde, une société, une personne pour en transmettre la complexité… Arriver à un produit fini qui transmette l’infinie profondeur du monde. Qui ne donne pas des réponses (c’est si facile d’apporter nos propres réponses, partielles et partiales) mais qui ouvre les questions, qui permette la réflexion. Quel défi ! Lorsque je relis cette citation, j’ai toujours envie de faire mieux, plus approfondi, moins univoque.
Des pistes pour penser son personnage
De la même façon, la vision du personnage est, me semble-t-il, à la fois un repère de création et une proposition de travail. Créer un personnage pour Kundera c’est avant tout se demander qui il est et ensuite trouver ce qui va le rendre vivant. Qu’est-ce qui fait un personnage ? Les actions ? Mais elles ne sont qu’une image du personnage et ne transmettent ni sa psychologie ni ses motivations. Son intériorité alors ? Là aussi, c’est insuffisant… Alors dans les détails, la vie psychique, l’histoire ?
Milan Kundera explique qu’il perçoit le personnage comme « un ego expérimental ». C’est-à-dire qu’il ne s’agit pas de montrer ce qui existe, mais les possibilités d’existence, tout ce qui pourrait –aurait pu- être. La liberté est infinie.
La fidélité à la réalité historique est chose secondaire par rapport à la valeur du roman. Le romancier n’est ni historien ni prophète : il est explorateur de l’existence.
Mais surtout, par opposition à la nouvelle, le roman est le territoire de plusieurs individus qui composent, ensemble, l’existence. Donc les personnages peuvent être opposés, mais ils ont tous le droit d’exister et d’être compris. Le roman est l’espace du pluriel, du complexe, et pour aller plus loin du respect et de la tolérance.
Le roman c’est le paradis imaginaire des individus. C’est le territoire où personne n’est possesseur de la vérité, ni Anna ni Karénine, mais où tous ont le droit d’être compris, et Anna et Karénine.
Lisez L’art du roman
Il y aura peut-être des moments qui vous intéresseront moins, mais je crois que l’on peut retourner régulièrement y piocher, en y trouvant à chaque fois des soutiens différents. Quoi qu’il en soit, je m’arrête là, même si j’ai bien envie de vous copier d’autres citations… Je ne rajoute qu’une chose, lisez L’art du roman ! Vous verrez autrement votre art d’écrivain.
Et si vous avez des livres fétiches qui ont changé votre façon d’écrire faites-nous en part ! Nous serions ravis de les découvrir.
Merci Malie, je ne connaissais pas cet essai. Je vais me le procurer!
Brigitte
Je peux te le prêter si tu veux. Tu veux que je te l’amène vendredi? Bises