Découvrir l’histoire de la nouvelle, c’est explorer des possibilités d’écriture, c’est découvrir des modèles et contre-modèles pour savoir trouver –ou créer- la forme qui conviendra le mieux à votre projet.
Du XIV au XIXème siècle (histoire de la nouvelle racontée avec des bottes de Sept lieues !)
Naissance et « enfance » de la nouvelle
La nouvelle est plus ancienne que le roman, puisque l’on dit que le roman nait avec Don Quichotte (1605 et 1615), alors que les premières nouvelles sont apparues avec le Décaméron de Boccace (1349-1353) ! Le texte présente un groupe de jeunes gens qui, pour fuir la peste, se retrouvent à la campagne et font taire l’ennui en se racontant des histoires qui vont de l’érotique jusqu’au tragique, en passant par toute la gamme des écrits amoureux.
La nouvelle fait ensuite la conquête de l’Espagne grâce à Cervantès (Les nouvelles exemplaires) et de la France par l’entremise de Margueritte de Navarre (Héptameron).
Originalité et parti-pris
La particularité de la nouvelle, dès son origine, est le regard qu’elle porte sur le monde. Au contraire des premiers romans ou du théâtre, les auteurs s’en servent pour décrire des événements contemporains ou des faits de société. La perception du monde diffère selon les auteurs et les pays. Plutôt grivoise en Italie, elle tend vers le grave en Espagne et oscille entre ces deux extrêmes en France. Cependant, la nouvelle ne se borne pas au réalisme. Le merveilleux est souvent considéré comme une autre facette de la réalité, ce qui ouvre de multiples possibilités d’écriture.
Le XIXème siècle, un nouvel âge d’or de la nouvelle.
La multiplication des journaux augmente la demande de nouvelles. En effet, les périodiques commandaient régulièrement des textes aux écrivains reconnus. C’est ainsi, par exemple, que Maupassant publiait ses nouvelles.
Au XIXème siècle, le réalisme domine toujours. Nombre de nouvelles portent sur l’observation d’un milieu ou explorent la banalité de la vie. Mais, à l’opposé du roman, elles ne comportent pas de digressions et leur dissection de la réalité est incarnée dans des intrigues serrées et émotionnellement fortes. Cela les rend, à mon avis, plus agréables à lire. Comment dire plus efficacement que dans La parure les aspirations au luxe de la petite bourgeoisie? Comment critiquer plus durement que dans Boule de Suif, la masse veule des bien-pensants ?
La nouvelle va aussi répondre à la mode de l’exotisme avec des récits examinant la vie dans des contrées « plus reculées ». Mérimée avec Colomba ou Maupassant avec l’horrible Une vendetta vont ainsi s’attacher à présenter « l’âme » de la Corse. Par ailleurs, la nouvelle allemande a ouvert la porte à l’exploration de l’intériorité tandis que la vulgarisation de la psychanalyse, le goût pour le mystérieux vont favoriser l’apparition des thèmes de la folie, du merveilleux, du fantastique.
Malheureusement, la multiplication des parutions dans les journaux va quelque peu décrédibiliser la nouvelle. Dès la fin du XIX, elle est perçue comme moins soignée que le roman.
XXème siècle et époque contemporaine :
Même si de grands auteurs (Camus, Sartre, Aymé, Yourcenar …) ont écrit des nouvelles, en France, elle est devenue un genre mineure. Ailleurs, pourtant, elle reste foisonnante et riche. L’Amérique Latine a vu se développer des auteurs majeurs dont l’œuvre est centrée autour de la nouvelle (surtout fantastique et méta-littéraire) : Borges, Cortázar, Bioy Casares, Ocampo, Quiroga, Benedetti… Ils ont écrit des nouvelles qui sont de véritables chefs d’œuvre. Dans le monde anglo-saxon, la nouvelle a également trouvé des lettres de noblesse. Carver, Hemingway et tant d’autres ont transformé, régénéré formes et fonds. Dernièrement, la canadienne Alice Munroe a reçu le prix Nobel de littérature pour son œuvre uniquement composée de nouvelles.
Alors l’aspirant auteur francophone peut-il encore se dédier à l’écriture de nouvelles ? Bien sûr ! Même si la nouvelle est moins porteuse que le roman, il y a encore (ouf) des maisons d’édition qui les acceptent. Et puis, écrire une nouvelle est un exercice incroyablement formateur comme je vous le montrerai dans un prochain article.
En attendant, rendez-vous la semaine prochaine pour explorer les différentes formes de nouvelles (réaliste, fantastique, instant… il y en aura pour tous les goûts !)
Vous pouvez consulter les articles précédents sur la nouvelle : ICI
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