Écrire le monde, penser, explorer, raconter l’ensemble du vivant avec l’atelier EcHo-écritures
La littérature peut-elle changer notre vision du monde ?
Voilà un atelier qui cherche à réponde à cette question qui me tient particulièrement à cœur. En effet, si la littérature a largement exploré les actions, les pensées et les paroles humaines, il lui reste à s’ouvrir à l’immensité du monde.
Car la fiction a la possibilité d’offrir une place aux voix non-humaines qui vibrent autour de nous. Elle peut, par l’empathie, faire ressentir la place de l’environnement et l’urgence de le protéger. Elle peut aussi reprendre à son compte les narrations des luttes et des aventures pour le vivant, pour nous les rendre plus proches. Ainsi dans l’atelier EcHo-écriture, nous explorons par la littérature toutes ces relations du vivant auquel nous appartenons et toutes les nouvelles possibilités de narrations qu’elles nous offrent.
Écrire le monde, multiplier les formes et les outils littéraires :
Au niveau formel, c’est un atelier qui permet de multiples possibilités. De la description à la poésie en passant par le polar et la littérature engagée ou humoristique. De l’aventure à la contemplation ou de l’urgence à la mesure du temps… L’écopoétique peut être le creuset d’un renouveau littéraire. Elle est le lieu de tentatives de création de nouvelles formes ou d’actualisations d’outils d’écriture déjà existants. Un atelier qui a donc de multiples ouvertures et qui promet autant de découvertes riches et variées.
L’année dernière nous avons pu poursuivre à distance l’atelier et ainsi, parmi d’autres thèmes, nous nous sommes intéressés au polar vert. Nous avons ainsi consacré un atelier à la mise à jour par l’écriture du crime écologique. A vous de découvrir maintenant l’un des textes produits à ce moment-là.
Écrire le monde : une intrigue sous-marine. (Agathte)
Lorsque Taho jette l’encre, Mila est prête. Elle a déjà enfilé ses palmes et ses bouteilles, vérifié tout son matériel et s’est postée sur le rebord du bateau en attendant Pierre, le moniteur. De l’autre côté de l’embarcation, Mila fixe l’horizon bleu et tente d’apercevoir l’endroit où la mer devient le ciel. Ballotée par la faible houle, la jeune femme sent l’excitation monter. Pour son dernier niveau de plongée, Pierre l’amène découvrir un nouveau spot qu’il connait lui-même peu, à l’angle Ouest du Parc Naturel Marin des îles sous le vent. Une chance dont elle compte bien profiter au maximum.
– C’est parti ?
Mila lève la main et forme un rond entre son index et son pouce qui signifie « Okay ». Alors, les deux humains-grenouilles se balancent en arrière et disparaissent rapidement dans l’océan.
Sous l’eau, un autre univers. Des poissons lunes survolent un récif corallien d’une beauté à couper le souffle. Un des plus beaux et des derniers récifs encore intacts au monde, lui avait annoncé Pierre avant de partir. Le lieu tient ses promesses. Les couleurs chatoyantes des coraux indiquent qu’ils regorgent de vie, des poissons clowns jouent à cache-cache dans des anémones de toutes tailles, une tortue les salue sur son passage. Bref, si le paradis existe, il est ici, se dit Mila.
H
Lorsqu’ils arrivent à une crevasse, Pierre lui demande si elle veut descendre. Elle lui signe que oui. Le récif tombe à pic et lorsqu’elle le dépasse, elle a cette sensation magique de voler. Pendant un moment, les deux plongeurs suivent la faille s’étendant à perte de vue. Curieusement, un côté a l’air moins habité que l’autre. En s’approchant un peu de la paroi, ils s’aperçoivent aussi qu’elle est plus lisse. De petits crustacés ont réussi à s’y accrocher, tout comme des milliers d’oursins noirs qui lancent leurs piques vers les profondeurs. D’énormes concombres de mers aspirent la roche et tentent de filtrer l’eau de la mer au milieu des restes d’étoiles de mer blanchies par la mort. Mila lève les yeux vers la surface. 50m, estime-t-elle. Là haut, le soleil envoie ses rayons chauds qui parviennent à peine jusqu’à eux. Est-ce pour cela qu’il fait tout gris ici ?
H
Devant elle, Pierre s’est arrêté. Il étend son bras et montre une courbe uniforme. La roche est bombée et quasi nue. Quelques coquillages s’y accrochent mais on dirait que la plupart de la faune et de la flore polynésiennes a déserté les lieux. Étrange, pense Mila. La fosse aux requins d’hier était beaucoup plus profonde et plus fournie que celle-ci…
Dans un creux, sous une algue brune, la plongeuse repère une fissure qu’ils s’accordent à suivre. Quelques mètres plus bas, ils traversent des centaines de bulles fébriles qui, en s’échappant de la craquelure, attisent leur curiosité. Un courant chaud. Mila pose sa main sur la roche et d’un geste vif, balaie les microalgues agrippées. Derrière leur masque, les deux plongeurs froncent les sourcils en même temps. La porosité de la matière est reconnaissable entre mille. Pourquoi du béton se retrouve-t-il à 100m de profond dans une des plus belles fosses du Parc Naturel Marin ?
Le hors-bord de Taho file à vitesse grand V en direction l’atoll principal. Personne ne parle plus. Seules les secousses de la coque contre le plat des vagues répondent aux pensées de Mila, assise à la proue, les pieds ballants. Les yeux rivés sur son reflet déformé, elle ne parvient pas à effacer l’image des trois triangles incrustés dans le béton fissuré. Trois hélices bien connues du grand public… symbole de la radioactivité.
Agathe.
L’atelier “EcHo-écriture”, écrire le monde en 2021-2022
Cette année encore, j’espère relancer l’atelier au Chameau Sauvage. Pour en savoir plus, n’hésitez pas à découvrir la page de l’atelier ICI ou à nous contacter directement ICI.