La question de l’excellence en littérature
Il arrive parfois que l’on tombe sur une phrase qui nous happe et nous oblige à repenser votre manière d’être, ou d’écrire. Voilà quelques semaines, j’ai découvert cette remarque de l’écrivain espagnol Eduardo Mendoza :
Il faut lutter pour l’excellence en littérature, que chaque phrase, même la plus insignifiante du livre, soit polie et retravaillée. (“Hay que luchar por la excelencia en la literatura, que cada frase, aunque sea la más tonta del libro, esté pulida y revisada”.Eduardo Mendoza, entretien pour El Pais).
Pour certains, une telle quête semblera une évidence. Cependant, que doit-on chercher à retravailler ? Comment décider quand les mots sont suffisamment polis et les phrases arrivées à leur perfection ? Quels chemins suivre et quels outils employer ?
Quand on ne sait pas comment faire, il reste la possibilité d’aller voir du côté de ceux qui ont su. Je vous propose donc un parcours en plusieurs articles parmi quelques conseils d’auteurs qui, eux aussi, ont lutté pour chercher cette excellence en littérature.
Bien sûr, il ne s’agit que de l’état d’un cheminement personnel. Je compte donc sur vous pour partager aussi vos propres procédés de perfectionnement de l’écriture.
Un travail pour la relecture (Joyce Carol Oates) :
« Ayez confiance : la première phrase ne peut être écrite avant que la dernière l’ai été. Ce n’est qu’alors que vous saurez où vous alliez et où vous étiez1. »
Atteindre l’excellence en littérature n’est pas une question d’inspiration ou d’idée. C’est une question de retravail. Or, celui-ci ne peut être fait avant que la plus grande partie de l’histoire soit posée ou tout au moins qu’elle soit claire dans notre esprit. A ce moment-là, par contre, il faut s’arrêter sur le mot, la phrase, le paragraphe…
Comment faire :
- Prenez patience, acceptez que l’écriture nécessite des phases différentes.
- Résistez à la tentation de montrer vos textes trop vite et organisez-vous des temps de pause.
- Ce qui n’empêche pas de noter les formulations qui vous plaisent. Rien ne dit cependant, que vous les conserverez.
Élucider l’effet recherché (Flaubert)
Chaque œuvre à faire a sa poétique en soi, qu’il faut trouver2
Si chaque œuvre parle d’une chose différente, il faut donc trouver une façon de la présenter différente. Dans une comparaison avec la mode, Flaubert dit « chacun pour être bien habillé, doit être habillé quant à lui3 ». Il faut donc que le sujet de l’œuvre ait l’habit adéquat, le style qui lui permettra d’être à la fois le plus expressif, le plus esthétique et le plus significatif. On remarquera que Flaubert excellait à mettre en œuvre différentes poétiques. Jetez un œil par exemple à Madame Bovary et Salammbô ! Comparez-en quelques pages. Vous comprendrez tout de suite !
Comment faire :
- Avant de vous plonger dans la relecture, prenez le temps de penser à ce que vous avez voulu raconter et dire. Quel effet doit avoir votre texte? quelle émotion, sensation produire sur le lecteur ? Quel type de phrase, de rythme, de mot, de tension pour le transmettre ?
- Ainsi, vous n’utiliserez pas le même rythme pour dire l’angoisse ou le romantisme. Pas question non plus d’avoir recours aux mêmes images, ni aux mêmes registres de langue.
- Pour trouver des exemples et mieux comprendre comment peuvent se lier le fond et la forme, relisez des livres avec plusieurs voix de narration (roman épistolaire, polyphonique, choral… Les liaisons dangereuses, ou plus récemment Né d’aucune femme). Vous pouvez aussi redécouvrir l’évolution d’un auteur en recherche stylistique (par exemple les premiers romans de Steinbeck jusqu’au moment où il trouve cette expressivité épurée dans Des souris et des hommes).
A la semaine prochaine, avec des conseils autour de l’excellence en littératures inspirés par Camus, Sophie Divry ou Saint-Exupéry !
1Joyce Carol Oates, la foi d’un écrivain,p.35. 2Gustrave Flaubert, Lettre à Louise Colet, T.II, p. 519. 3 Gustave Flaubert, ibidem.