Conseils pour la nouvelle, suite ! Découvrez quelques outils d’écriture pour vous lancer dans les formes spécifiques comme la nouvelle à chute, la nouvelle-instant et la nouvelle d’expérimentation.
L’article est un peu long, n’hésitez pas à aller voir directement les outils d’écriture qui vous intéressent :
- Pour la nouvelle à chute
- La nouvelle instant
- La nouvelle expérimentale
Outils d’écriture pour la nouvelle à chute
Plus que dans les autres formes de nouvelle, la fin de la nouvelle à chute doit être anticipée depuis le début. Si vous voulez surprendre votre lecteur, vous devez préparer votre surprise dès les premiers mots, mieux dès le titre. Pour cela, vous devez savoir quoi dire pour lancer votre lecteur sur des fausses pistes, quoi taire pour qu’il n’évente pas le secret, quoi annoncer petit à petit pour que la chute ne semble pas non plus invraisemblable.
Voici quelques idées pour créer une chute réussie :
Prévoir une fin qui soit l’inverse du début :
Dans Le K de Dino Buzzati, le monstre des mers est présenté tout au long du récit comme une horrible menace qui pèse sur le personnage. Pourtant, la confrontation finale le révèle comme la chance à jamais ratée du protagoniste.
Terminer sur une phrase qui « claque » ou qui étonne :
C’est ce que fait Ruffin, par exemple, dans Le refuge del Pietro. Tout au long de la nouvelle, le narrateur parle de la fantastique randonnée vers ce refuge qui devait célébrer son retour à la montagne. Mais il termine sa narration, de plus en plus atroce, en disant que ce refuge n’existe plus … depuis plus de 18 ans.
Créer une révélation inattendue :
Dans L’oreiller de plume (Quiroga), une jeune mariée souffre d’une maladie inexpliquée… La fin offre une explication totalement inattendue, mais elle est annoncée par le titre. Serez-vous capable de deviner ?
Glisser d’un univers à un autre :
Partez du réel pour arriver dans le merveilleux ou le fantastique… ou l’inverse. C’est la technique classique du rêve avec une fin sur le réveil du protagoniste. Bien sûr, elle peut être adaptée à de nombreuses autres situations (changement de personnages, de lieu, de réalité, de monde…).
Rester dans le flou :
Optez pour une fin ouverte qui permet plusieurs interprétations ou laisse au lecteur la possibilité de fermer l’histoire à sa guise.
Clore de façon définitive :
Beaucoup de nouvelles se terminent en annonçant la mort du protagoniste. Attention cependant, à ne pas trop en faire, c’est l’incertitude qui marque le lecteur. Pensez à Les naufragés (Ruffin) , Le Horla…
Heureusement, il ne s’est pas rendu compte, pendant que nous déménagions, que j’avais gardé un de ses revolvers. Quand il passera me chercher, à huit heures, il sera trop tard. (Les naufragés, J.C Ruffin).
Outils d’écriture pour la nouvelle instant
La nouvelle instant peut exiger plus de technicité au moment d’écrire. Elle demande aussi une capacité à générer l’attention du lecteur autrement que par l’action. Elle nécessite donc la maîtrise d’outils d’écriture particuliers, mais sa pratique est aussi extrêmement enrichissante. Voici deux techniques de travail possibles (parmi d’autres).
L’instant symbolique
Choisissez un moment de la vie quotidienne mais qui peut devenir symbolique, par exemple, le premier café du matin comme représentation du renouveau. Bon, c’est vraiment un exemple bas de gamme, le mieux c’est d’aller voir chez Philippe Delerm. Sortez-en tous les détails et choisissez les éléments les plus représentatifs à conserver. Ensuite, commencez à décrire ce moment, en alternant le symbolique et le descriptif. Pensez aussi à travailler le style pour être le plus poétique possible, sans en faire trop. La nouvelle instant est souvent plus réussie quand elle est minimaliste, donc n’hésitez pas à couper, simplifier.
le souvenir exploré
S’il s’agit d’explorer un moment, vous pouvez choisir un souvenir que vous mettez en relation avec une sensation : vue, odeur, toucher… Vous commencez par développer le souvenir pour en faire une petite narration. Faites attention à ne pas perdre de vue le sens auquel le souvenir est lié. Puis, intégrez-le dans un récit cadre, dans lequel le narrateur rencontre la sensation qui le ramène au souvenir (comme pour la madeleine de Proust, pour rester dans le très connu). Vous aurez alors une nouvelle qui déploiera le souvenir lié à la sensation d’un moment.
Expérimenter :
La nouvelle est un support fantastique pour expérimenter des nouveaux thèmes ainsi que des outils d’écriture. Cela nous fait sortir de nos habitudes, découvrir de nouveaux horizons. Souvent, on peut aussi trouver des solutions à des problèmes rencontrés antérieurement. En plus des formes que nous venons de présenter, voici quelques exemples d’outils d’écriture pour expérimenter avec la nouvelle :
Des tests formels :
- Ecrivez un texte, puis testez-le avec un autre narrateur (tu au lieu de il, comme dans La Maladie de Sachs par exemple).Changez aussi le point de vue. Créez, par exemple, un personnage témoin qui voit et raconte depuis son point de vue, comme Watson dans Sherlock Holmes.
- Changez les temps et pourquoi pas, mélangez-les. Qu’est-ce que ça fait, de passer une partie au présent et de garder l’autre au passé? Quel est l’effet ?
- Utilisez l’ « écriture blanche » sans émotion. Ensuite tentez la parodie, ou le lyrisme…
- Essayez aussi différentes longueurs de textes et de phrases. Imposez-vous des phrases très courtes ou alors écrivez tout en une seule phrase…
- Enlevez toute la ponctuation et remettez-la différemment.
- Prenez une page blanche et réécrivez un paragraphe sur deux, sans vous relire et voyez ce que cela transforme.
- Interdisez-vous les adjectifs ou une certaine sonorité ou alors imposez-vous en une…
Les idées sont multiples, elles vous apprendront toutes quelque chose.
Des contraintes extérieures :
Utilisez des images, des mots ou des citations que vous tirez au sort et que vous vous obligerez à placer dans un texte. Choisissez une musique (sans parole) et écrivez un texte qui colle à cette musique ou à une forme musicale (jazz, symphonie, chanson…). N’hésitez pas à consulter les livres ou les sites d’atelier d’écriture, vous trouverez des milliers d’idées !
Des possibilités hors habitude d’écriture :
Reprenez l’un de vos textes et réécrivez-le dans un genre que vous n’avez jamais tenté : du fantastique si vous écrivez du réaliste, du policier si vous avez l’habitude de la romance, du parodique, du merveilleux….
En changeant son style :
Analyser votre façon d’écrire habituelle, listez ce qui pourrait être le contraire, et imposez-vous ces nouvelles règles. Soit vous découvrirez de nouveaux outils d’écriture, soit vous serez plus conscient de votre façon d’écrire habituelle. Vous verrez comme ensuite, vous serez plus aventureux dans votre style. Vous pouvez aussi chercher des livres qui sont très différents de votre écriture, et de la même façon en lister les caractéristiques pour vous les imposer.
Enfin, laissez parler l’inspiration :
Mais surtout, à la fin laissez-vous aller ! Expérimenter, avoir des buts formels, structurels ou esthétiques, c’est très bien. Mais il ne faut pas pour autant oublier de laisser parler son écriture. Alors, une fois que vous avez bien bricolé, retrouvez-vous. Ecrivez comme ça vient. Puis relisez-vous, corrigez-vous et découvrez tout ce que vous avez appris, expérimenté et fait vôtre.
Bientôt un appel à texte !
La théorie, c’est très bien, mais rien ne vaut la pratique. Je vous laisse donc réfléchir à tout ça pendant une semaine et je vous proposerai jeudi prochain un appel à texte pour tester les contraintes. Alors, n’hésitez pas à en parler autour de vous !
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