L'Echangeoir d'Ecriture

nouvelles

Problématique le personnage?

Une expérience avec un personnage problématique.

Voici pour une fois, un article plus personnel sur une de mes expériences d’écriture. La nouvelle dont je parle, Dans la nuit ténébreuse, a été publiée en 2018 dans le recueil du festival Mauves en Noir. L’article initial a été écrit en 2018. Le problème avec mon personnage : Depuis à peu près trois ans, je reprends régulièrement une nouvelle sur une tueuse à gages. J’ai résolu peu à peu les problèmes de structure et de style. Il me restait un souci avec le personnage. C’était elle la narratrice. Pourtant, j’avais l’impression qu’elle n’était pas présente dans l’histoire, qu’elle n’était qu’une voix. Si j’essayais de l’imaginer, je ne voyais qu’une sorte de grosse tache blanche, du genre ballon de baudruche en train de se dégonfler. Un résultat pas vraiment à la hauteur de mes attentes. Pendant longtemps j’ai tourné autour sans « réfléchir ». Je faisais de la relecture basique, changeant un mot par ci, une phrase par là. Evidemment, c’est très utile s’il s’agit de polir le style ou le rythme, mais ça n’aide pas beaucoup pour améliorer un problème de fond. Au bout du compte, je décidai de prendre le problème à bras le corps et de m’attaquer à ce personnage problématique en dehors même de la nouvelle. Une idée qui n’a pas marché : détailler  la vie du personnage problématique. Lorsque la pierre d’achoppement est un manque de profondeur ou de cohérence, c’est certainement une bonne solution que d’en savoir plus sur son personnage. Dans mon cas, le résultat n’était pas à la hauteur de mes espoirs. Quoiqu’il en soit, j’ai d’abord essayé de faire un résumé, entre le test de Proust et la méthode Truby. Très vite je me suis mise à rédiger. Au bout de 30 pages, non seulement cela ne m’aidait pas, mais en plus je m’étais créé des problèmes supplémentaires. D’une part je ne prenais pas de recul par rapport à mon premier texte. D’autre part, il me fallait donner des précisions qui n’étaient pas nécessaire dans une nouvelle. Par exemple, la nouvelle se concentre sur une seule mission, pas besoin d’expliquer comment elle en ait venue à faire ce travail. Mais dans un récit long, ça devient nécessaire. Alors, il faut faire des recherches parce que le monde des tueurs à gages, je ne connais pas bien… Et avec tout ça, elle demeurait insaisissable. L’idée des fiches préparatoires pour les personnages. Je me suis souvenue des fiches préparatoires aux personnages que j’utilise dans mes ateliers. Evidemment, je me suis sentie un peu bête. On développe des choses pour les autres et on les oublie pour soit…  Bref, j’ ai passé à la moulinette quelques-uns des personnages de tueurs, matons ou mafieux qui m’avaient le plus marqué, en positif ou en négatif. Je me suis rendue compte d’une chose qui aurait dû être dès le début une évidence mais que j’avais laissé quelque part dans les limbes. J’aime les personnages complexes, les personnages qui évoluent. Or mon personnage était tout d’une pièce, du genre grande méchante et elle le restait du début à la fin. Quelques heures plus tard, elle avait des faiblesses et quelques qualités. En plus, je commençais à lui trouver des possibilités de transformation. Et tout cela sans sortir du cadre souhaité pour la nouvelle.   Deuxième point que j’ai (re)découvert grâce à ces fiches : je n’aime pas quand les personnages sont trop décrits. Mais je ne suis pas très à l’aise non plus quand ils ne sont pas décrits du tout. Là j’en revenais à mon ballon de baudruche. Dans mon texte, il n’y avait qu’une seule allusion à son physique : à un moment, sa cible lui touche la main. Pour faciliter la visualisation, il y a mieux ! J’allais devoir lui donner, même de façon très imprécise et rapide, une silhouette, des détails. Le rapport au réel Donc, les fiches préparatoires aux personnages m’avaient ouvert des voies.Désormais, il fallait trouver comment s’y engager. Pendant un bout de temps encore (oui, cette nouvelle a vraiment été un exercice de patience), j’ai essayé de convaincre mon imagination de trouver un physique à cette fichue tueuse à gage. Je ne voulais pas d’un physique de série ou de film d’espion, mais quoi sinon ? Enfin, un jour dans la rue, j’ai repéré les détails qui me manquaient. Ce n’était pas seulement l’apparence mais aussi l’attitude, la façon dont la personne habitait son corps. Résultat, j’ai rajouté deux phrases dans ma nouvelle, une au début, une à la fin et enfin, j’ai eu le sentiment de voir mon personnage. Pour en finir avec les personnages problématiques : En conclusion, ces fiches ne seront jamais une baguette magique et elles ne vous trouveront pas toutes les solutions. Mais je crois qu’elles peuvent nous aider à prendre du recul, à trouver des références et donc des idées. De plus, le fait de verbaliser ce qui plait ou pas permet de mieux savoir ce que l’on veut faire. Enfin, elles sont de formidables moteurs pour une imagination qui n’est pas lâchée dans la nature mais qui est mise au service de votre désir d’auteur. Note finale : depuis j’ai rencontré bien d’autres personnages problématiques… A chaque fois, il m’a fallut inventer une solution différente. Flaubert dit que chaque texte a sa poétique propre qu’il faut trouver. Ajoutons que chaque défi à son chemin propre, qu’il faut parcourir et explorer sans se lasser !

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Jeux de cons

Les nouvelles de l’été: Jeux de cons! 2/2

« Je suis volontaire ». A ces mots hésitant, le pilote se retourna, surpris. -Pardon ? -Vous avez besoin d’un pilote ? J’ai 500 heures de vol sur Spitfire et je suis formée à la navigation, dit-elle en faisant un pas en avant. -Mais vous n’y pensez pas ! C’est la guerre ! La vraie… C’est autre chose que de livrer des avions. -Je suis votre meilleure option….- Le ton était plus convainquant. -Il faut du cran et du sang froid. Il faut maîtriser ses émotions ! la coupa-t’il. -Je suis votre meilleure option pour que la mission se fasse avant le coucher du soleil. -Elle n’a pas tort ! -C’était la première fois que l’officier de renseignement se joignait à la discussion- Si les allemands s’apprêtent à nous attaquer, je préférerais être mis au courant. La surprise de ce matin était, disons… désagréable. Le silence régnait dans la salle quand le chef le rompit : « Ne me le faites pas regretter ! » Il lui présenta la situation de la ligne de front, les terrains ennemis à éviter, les zones de DCA à contourner. Elle eut également droit à un cours accéléré sur le maniement de la caméra. Elle prit les derniers bulletins météo et traça sa route sur la carte en notant les points de passage. Tout en l’aidant à se sangler, il lui donnait les derniers conseils : « N’oubliez pas, votre vie est plus importante que la mission, pas de bravoure inutile. Une dernière chose, si vous êtes abattue derrière les lignes, ne vous faite pas prendre vivante ». Elle se demanda si finalement c’était une bonne idée. Son genou droit se mit à trembler. « Allez du courage, tu voulais de l’action, te voilà servie » marmonna-t-elle. Puis très vite l’expérience reprit le dessus. Le moteur démarré, elle roula jusqu’au seuil de piste et décolla. Son genou ne tremblait plus. Heureusement la couche nuageuse était basse, cela lui permettrait de s’y réfugier en cas de mauvaise rencontre. Tout en surveillant les alentours, elle se préparait à sa mission. A cinq minutes de l’objectif, elle décida de descendre. Alors qu’elle passait en palier, elle vit au loin des lueurs scintillantes. Cela lui rappela les feux d’artifices de son adolescence qu’elle trouvait si romantiques. Quelque chose éclata à droite, puis à gauche et soudain le ciel s’embrasa. Stupeur ! Ce qu’elle avait pris pour des lueurs était en fait le départ des coups de DCA. Après les 88 voici les 37 et les 20 millimètres qui entraient dans la danse. Les obus fusaient. C’était un miracle que l’avion n’ait pas encore été atteint. Elle plongea un peu plus vers le sol. Clac ! Bang !. Touché… Mais rien de vital, elle continuait. Elle survolait maintenant l’objectif en essayant de rester le plus stable possible. Elle passa en un éclair au dessus des troupes se jetant à couvert à son passage. A mesure qu’elle s’éloignait, l’intensité du feux diminuait. Quel étrange sensation de se retrouver à nouveau dans un ciel calme alors que quelques instants auparavant il bouillonnait. Elle était trempée de sueur et toute étonnée de s’en être sortie vivante. Tout en reprenant ses esprits, elle commença à vérifier si tout allait bien. L’avion répondait normalement. Alors que ses yeux parcouraient le tableau de bord, elle fut saisie d’horreur… Elle avait oublié enclencher la caméra ! Son genou se remit à trembler. Il n’était pas question qu’elle y retourne. C’était déjà un miracle qu’elle respire encore. Elle se rappela les paroles du soldat : revenir saine et sauve à n’importe quel prix. Et puis, on ne lui reprocherait pas d’avoir raté cette mission. Après tout, durant toutes ces années, on lui avait bien fait comprendre que l’on n’en demandait pas trop à une femme ! C’est certain, on l’accueillerait avec compassion et bienveillance, la félicitant même d’avoir essayé, et on n’en parlerait plus. Manette au plancher, manche à droite le Spitfire fit un superbe demi tour. Son genou ne tremblait plus. Elle essaya d’analyser la situation. Malgré tout, elle gardait l’initiative, même sur leur garde, ils ne s’attendraient pas à avoir aussi vite un deuxième passage. Elle choisit d’arriver par le nord mais cette fois en s’aidant du relief pour se soustraire le plus possible à la vue des artilleurs. L’avion volait bas… Plus bas que lors du premier passage… Dernières vérifications. Ne pas oublier enclencher cette fichue camera ! L’objectif n’était plus très loin. Instinctivement, elle tourna la tête à droite et vit des éclairs saccadés à la lisière d’un bois. Plus d’hésitation, elle piqua pour coller le plus possible au terrain. Déjà les premiers obus éclataient derrière elle. Le Merlin délivrait toute sa puissance faisant trembler le capot. L’artillerie se déchaînait, c’était maintenant un mur de ferraille qu’elle devait traverser. Elle rentra ses épaules et baissa la tête, illusoire protection contre ce déchaînement de fureur. Elle était encadrée par les traçantes. Par intermittence un « Bang » lui confirmait qu’elle était bien la cible. Sa vitesse était maintenant effrayante. Elle passa au dessus de l’objectif en trombe et se mit à zigzaguer dans le plan vertical et horizontal. Il fallait rendre imprévisible sa trajectoire pour désorienter les pointeurs. A nouveau, sans prévenir, le ciel redevint calme. Elle en profita pour vérifier l’état de la machine. Les commandes répondaient normalement, RAS. Elle coupa la caméra. Vérifications extérieures faites, elle constata un trou dans l’aile. « On pourrait sans problème y faire passer la tête de Mr Hasting ». A cette pensée, elle ne put s’empêcher de rire nerveusement. Tout en relâchant la pression, elle prit le cap de Melsbroek. « Quel jeux de cons quand même !» FIN   Retrouver la première partie ICI

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spitfire envol

Les nouvelles de l’été: Jeux de cons! 1/2

Tout la troupe du 15ième FPP de Hamble était rassemblée sur le tarmac. Les esprits étaient encore embrumés par les festivités du nouvel an mais ils commençaient à saisir la gravité de la situation. L’officier exposait l’ampleur du coup qui avait été porté à l’ensemble des aérodromes du front nord. Personne n’avait envisagé un tel scénario pour le premier jour de cette année 45. Ils étaient donnés KO et voilà qu’ils se relevaient. Le briefing terminé, la base fut prise d’une effervescence soudaine. Le personnel courrait dans toutes les directions. Dernières informations météo prises, situation de la ligne de front vérifiée, fiches de mission attrapées, tous se dirigèrent vers les appareils. La jeep, chargée de sept pilotes convoyeuses, roulait à vive allure, ne réduisant sa vitesse qu’une fois arrivée au pied de chacun des appareils. Parachute sur le dos, cartes et masque sous le bras gauche, Susan s’agrippait au montant du pare-brise avec son autre bras. On lui avait assigné un Spitfire PRXI, un avion taillé pour la reconnaissance photographique. Il était attendu à Melsbroeck, au squadron n°16 de la 34ième escadre. La voiture ralentit à nouveau, c’était son tour. Elle sauta en marche et se dirigea vers son taxi. Le mécano venait de finir les dernières vérifications et l’aida à s’installer dans le cockpit. Une fois la check list terminée, elle jeta un dernier regard dehors et démarra le moteur. L’hélice commença à tourner dans un bruit de tonnerre, les pots d’échappement crachant de longues flammes bleues. L’avion s’élança. Il fallait faire attention, le risque de collision était partout. Coup d’œil à droite, coup de frein, virage à gauche, le seuil de piste fut atteint rapidement. Autorisée à décoller, les gaz à fond, elle prit de la vitesse. Quelques coups au palonnier pour tenir les embardées et déjà l’avion ne touchait plus terre. La piste défilait à vitesse croissante. Tout en prenant de l’altitude, elle escamota le train, ferma le radiateur, ramena l’hélice au pas de croisière et prit le cap de la Belgique. Une fois en palier, bercée par la symphonie ronronnante du Merlin, son esprit se mit à vagabonder. Elle vivait des moments extraordinaires, elle en était consciente. Selon les standards de la société, sa place était derrière un fourneau, mais pour elle c’était inimaginable…une plaisanterie que sa mère s’acharnait à défendre. Elle se rappelait encore cet après-midi où Mr Hasting, riche propriétaire terrien, était venu la voir pour lui proposer un job en or : « Je suis sûr que vous feriez une épouse exquise. Votre élégance n’a d’égale que votre beauté et vos yeux bleus éblouiront notre foyer ». Il avait apporté un somptueux bouquet de roses. Avec un peu plus de courage, elle les lui aurait fait manger. Mais elle manquait encore d’aplomb pour s’opposer aux convictions imposées par sa mère. Cette dernière ayant commencé les négociations de la dot, elle s’était contentée de ne rien dire mais le lendemain elle signait son engagement dans l’Air Transport Auxiliary. La vie de pot de fleur ne l’enchantait pas ! De ce jour, plus aucune demande en mariage ne vint troubler Susan… Elle allait enfin pouvoir mettre en pratique ses leçons de pilotage. En effet, Mr Hasting lui avait apporté une opportunité en or et quel chemin avait été parcouru depuis ce jour ! Souvent dans la douleur, elle s’était découvert des aptitudes jusqu’alors insoupçonnées mais il lui arrivait de trouver triste et frustrant de faire ces vols de convoyage utiles mais sans gloire. Elle s’annonça verticale des installations et en profita pour regarder l’état du terrain. Un paysage lunaire se dévoila sous ses ailes. Les bâtiments étaient éventrés, la terre constellée de cratères et de carcasses d’avions encore fumantes. Heureusement, la piste avait été peu endommagée. En fin de dernier virage, elle débuta sa finale. Tout s’enchaîna très vite. Train sorti, volets abaissés, avec dextérité et souplesse, elle maintenait le cap. Survolant le seuil de piste, le Spit se posa comme une fleur puis roula jusqu’au dispersal et s’y arrêta. Par des gestes mille fois répétés, elle ouvrit le cockpit et s’extirpa de la carlingue. S’ensuivit un enchaînement de mouvements rapides et précis l’emmenant à la terre ferme. Personne ne vint l’accueillir. Elle avait déjà connu des bombardements mais ce qu’avait subi cette base semblait être d’un niveau au-dessus. Au creux d’un cratère, elle devina un bras et les restes d’une tête. C’était trop pour son estomac… le couvert d’un muret lui permit de vomir sans porter atteinte à sa pudeur. -Personne n’est préparé à ça ! Elle se retourna en s’essuyant la bouche et dévisagea l’importun. Elle reconnu l’insigne d’un squadron leader. Il la salua et bien qu’il ait du mal à marcher, il lui proposa son aide pour porter son parachute. Aide qu’elle refusa. Elle préféra engager la conversation : -Vous avez été durement touchés ? – Une véritable hécatombe, tous les avions ont été plus ou moins endommagés. Il ne reste plus que le votre. – Et vos pilotes ? Il fit une courte pause puis raconta ce qui s’était passé : au moment de l’attaque, le personnel était toujours en train de cuver les festivités du nouvel an au mess. La déflagration d’une bombe avait anéanti en une seconde toutes les forces vives de l’escadrille. Ceux qui n’étaient pas morts étaient bons pour un long séjour à l’hôpital. Il devait son salut à un pilier mais sa jambe avait été criblée d’éclats de verre. Au fond du dispersal, assis à un bureau, l’officier de renseignement les regardait entrer la mine contrariée. L’état major venait de téléphoner, il leur demandait de faire une dernière reconnaissance photographique sur la ligne de front. On redoutait une autre contre attaque allemande. Mais le squadron n’avait plus les moyens de la réaliser. Un avion et pas de pilotes valides, ils avaient beau se retourner le cerveau, aucune solution n’en sortait. -Je suis volontaire. A ces mots hésitant, le pilote se retourna, surpris. A suivre…

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Raymond Gabaret lumière

Les nouvelles de l’été: Raymond Gabaret et la divine équation 3/3

A peine eût-elle prononcé cette phrase que Lady de Montignant comprit qu’elle avait sans doute commis une erreur. Les yeux de Raymond allèrent de bas en haut à l’affut du moindre mouvement. Elle le vit compter, marmonner, elle reconnut la démarche, mais quelque chose était différent. « Un deux trois » l’entendit-elle fredonner « Je dois la trouver. Je veux savoir ce qu’ils allaient mettre à jour. Un, deux, trois. Un, deux, trois » lançait Raymond en arpentant la bibliothèque. Il s’arrêta, dans sa tête quelque chose fulminait. Les chiffres allaient et venaient. Son cerveau suffoquait, s’étouffait sous la masse de calculs qui lui était demandé. Quand tout d’un coup il stoppa, il trouva. « Zéro » se dit-il « Zéro, c’est le zéro! » Se répéta-t-il en lui-même. Mais bien sûr, c’est au centre du zéro, dans le monde obscur du néant, du nul. Je vois à travers, comme un œil ouvert sur des sciences inconnues des miracles de savoir. Je voyage, je suis la sève qui coule, la peau qui chemine, les étoiles qui scintillent. Je vois les oiseaux de fer, les hommes sous la mer, les citées interstellaires. Je découvre les mondes de l’ultra petit, les savoirs du corps et de l’esprit, la magie du ciel et de l’espace. Je suis les hommes qui s’émancipent, la rumeur des lumières qui peuple les villes, les planètes qui se colonisent. Je marche et j’arpente les vérités perdues et oubliées, je découvre les temples du savoir, la lumière de l’espoir et creuse, toujours plus profond jusqu’à entendre l’écho de nos Âmes en perdition. Elles se regardent et se fondent, s’aiment et se détestent, se détruisent et s’épuisent quand le soleil se vide dans leur cœur. Leur cœur, qui palpite, danse, chante, batifole, s’use et se brûle. Non! Attention! Ne te consume pas ! Sinon que restera-t-il de moi ? Portes-moi à bout de bras, je suis si seul et perdu quand tu n’es pas là, à chercher des réponses que je ne trouve pas. Je n’ai plus que des équations vides en moi et pas de réponse sur moi. S’il te plait aide moi, je me perds dans tout ça. Je suis en train de fondre d’exploser de douleur, d’incompréhension, de non-sens, de mort des sens. Ne suis-je donc que ça ? Une erreur sans raison, sans expérience ni science. S’il te plait, mon cœur s’écroule à tes pieds, s’il te plait, je t’en supplie, prend moi la main et montre-moi le chemin, montre-moi la vérité, montre-moi le sens de tout ça, la logique, la finalité, mon utilité. La lumière, la douleur et l’humidité le frappèrent de plein fouet lorsque, subitement, Raymond cessa d’écouter la respiration des lieux et que l’équation de la bibliothèque lâcha son emprise sur lui. Il fut surpris de se retrouver ligoté à une chaise, le corps complètement trempé et autour de lui, Lady de Montignant et son majordome les yeux terrifiés plantés sur lui. -Que se passe-t-il, trouva-t-il la force de dire. -Vous plaisantez ! Explosa Lady de Montignant. Elle fulminait. Nous nous sommes fait un sang d’encre, cela fait des jours que vous errez sans raison dans ces lieux, sans boire ni manger, à marmonner dans votre barbe. Vous avez fini par devenir incontrôlable et agressif. Raymond ouvra de grands yeux et balbutia quelque chose comme : -Mais…. Non… Mais… Qu’est-ce que ? Que s’est-il passé ? -J’ai réussi à trouver quelques éléments de réponses justement, lui expliqua Lady sur un ton plus calme et rassuré. Vous vous rappelez du livre que nous avons trouvé près de l’un des squelettes. Raymond hocha la tête mais ne souhaita pas s’exprimer. -Apres traduction, nous avons découvert que tous les squelettes présents dans la bibliothèque étaient en réalité des chercheurs qui s’étaient volontairement faits enfermer vivants. En réalité si l’Eglise voulait à ce point détruire cette finca s’était, parce que ces hommes souhaitaient égaler les Dieux. Ils avaient conscience que savoir et pouvoir étaient liés et que, plus ils en apprendraient sur le monde et son fonctionnement, plus ils s’approcheraient du Divin. Voilà pourquoi ces scientifiques désiraient tellement trouver la solution à leur énigme et leur équation. Et ils ont préféré s’enterrer vivants plutôt que tout perdre. Malheureusement, ils ont perdu leur esprit dans cette histoire. Ils ont tous été atteints d’une forme de fièvre du savoir. Cette même fièvre dont vous semblez avoir fait l’expérience ces derniers jours. -Si je peux me permettre, reprit Raymond, je dirais plutôt qu’ils se sont trouvés face une forme d’opium intellectuel. Une exquise expérience, une divine équation qui séduit, enivre et emporte vers la folie. Quand j’entends ce que vous me racontez, je me demande profondément qui était le plus inquisiteur. Mais une chose est désormais certaine la connaissance a ses limites et à trop vouloir comprendre on finit par s’oublier. Merci à vous, dit-il en levant les yeux vers Lady de Montignant. A l’avenir je tacherai de prendre un peu plus exemple sur votre manière de respirer. FIN Retrouver la première partie de la nouvelle ICI et la seconde ICI.

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bibliothèque raymond Gabaret

Les nouvelles de l’été: Raymond Gabaret et la divine équation 2/3

Lady de Montignant, s’approcha de Raymond dans le but de le féliciter, mais tout ce qui lui vient à l’esprit fut : -Comment avez-vous fait cela ? -Et bien j’ai résolu l’équation de cette porte. N’était-ce pas ce que vous souhaitiez ? Il tendit vers elle une main bienveillante pour l’accompagner dans la descente des marches. Lady de Montigant, accéda à son invitation en glissant ses doigts dans la paume de Raymond, comme pour s’en revêtir et la chausser. Ils s’introduisirent tous les deux dans l’obscure ouverture qui venait de s’ouvrir devant eux. Pas à pas, ils descendirent les marches, et à mesure qu’ils s’enfonçaient, des lanternes s’allumèrent sur leur passage. -Incroyable, s’émerveilla Lady en voyant leur chemin s’éclairer à mesure qu’ils descendaient. -Il s’agit d’une conception mécanique actionnée par le poids de nos corps, qui met en branle un système hydraulique qui vient approvisionner les candélabres en liquide inflammable, énonça Raymond. Lady de Montignant tourna vers lui un regard à la fois frustré et interrogateur : -Etes-vous toujours en train de compter, demanda-t-elle -Oui…, répondit Raymond avec un sourire cette fois un peu gêné. -Vous ne profitez donc jamais de la surprise des choses ? De la magie qui émerge de l’incompréhension. Du plaisir de simplement découvrir pour découvrir sans aller plus loin, juste se laisser porter par la beauté. Respirez au lieu de toujours chercher à comprendre comment tout respire. Raymond ne répondit rien et continua à descendre. Lorsqu’ils atteignirent enfin la dernière marche, une grande lueur envahit la pièce et laissa place l’instant suivant à une somptueuse bibliothèque. Sur le sol, couraient plusieurs tapis aux couleurs beiges et un long couloir s’avançait au milieu de plusieurs allées bordées de hautes étagères qui offraient une incroyable panoplie de livres, tous plus instructifs les uns que les autres sur toutes sortes et toutes formes de sciences. Au fond de la salle deux grands escaliers en colimaçon s’élevaient vers un balcon qui courait tout autour de la pièce. On pouvait y trouver de multiples sculptures, aussi bien que des tapisseries de maître accrochées sur le mur érodé par le temps. La magie du lieu laissa Raymond suspendu dans ses calculs. Il ne savait plus par où commencer pour dénicher l’équation de ce lieu. Il comptait ici et là, mais perdait en concentration à chaque fois qu’un nouveau détail se présentait devant lui. Il bondissait sans cesse entre les études alchimiques, la philosophie, la physique, les sciences de l’esprit, l’art, la musique, la littérature, toutes les formes de savoir semblaient s’être données rendez-vous au même endroit. Mais son enchantement fut de courte durée, un cri violent l’obligea à refaire surface et revenir à la réalité. Non loin de là, sur l’aile ouest un vaste salon s’étendait, il abritait plusieurs canapés, et sur chacun d’entre eux, des squelettes humains s’entassaient.  Lady, surprise par cette désagréable rencontre n’avait pu retenir son cri. -La bibliothèque était verrouillée, s’interrogea Raymond lorsqu’il découvrit la scène. Pourquoi sont-ils ici ? – Je n’en ai aucune idée répondit Lady de Montignant sa prononciation encore un peu saccadée par son cœur battant. Mais cela nous permettra peut-être d’en apprendre plus. L’un des squelettes tenait dans ce qui fut sa main, un vieux manuscrit. Lady, s’en saisit et partit dans l’envie de le parcourir. Malheureusement ce dernier, écrit en catalan, méritait une traduction. Par chance, Lady possédait quelques souvenirs de la langue et parvint à traduire certains passages. -Il semblerait, commença-t-elle, qu’il s’agisse de scientifiques réunis ici avant la fermeture de la bibliothèque. Si je comprends bien, toutes ces personnes s’étaient rassemblées pour découvrir et mettre à jour une science universelle, comme une forme d’équation capable de tout résoudre. … A suivre ! Retrouvez la première partie de la nouvelle ICI

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Raymond Gabaret

Les nouvelles de l’été : Raymond Gabaret et la Divine Equation 1/3

Une folle agitation régnait en ce début de matinée. La gare s’asphyxiait sous une multitude de passagers. Les allers et venues des uns et des autres soufflaient et remuaient poussière et terre, si bien qu’une écume évanescente flottait dans l’air. Au milieu de cet éparpillement un couple attendait sans bouger. L’homme et la femme se distinguaient de par leur allure plus que singulière. Elle, portait de hautes bottes auréolées d’un jupon brodé et marié à un tissu gris et bordeaux. Une longue traîne tombait et s’étalait jusque derrière ses mollets. Rehaussé chemisier à jabot auquel venait s’ajouter de longues manches souples, un bustier tenait avec fermeté la silhouette de la dame. Sous un chapeau haut de forme fleuri et enrobé avec une élégante soierie, des boucles et anglaises rousses, à peine contenues par de fragiles épingles, retombaient avec une négligence maîtrisée sur le visage légèrement impatient de la Lady.  A ses côtés, un homme habillé de noir, propre et distingué, tenait fermement l’ombrelle de Madame pour que cette dernière ne subisse pas les assauts d’un soleil étouffant. Alors qu’elle n’avait de cesse de regarder sa montre, la Dame ne put s’empêcher de partager ses craintes : -J’espère vraiment qu’il pourra nous apporter l’aide que nous attendons, sans ça j’ai bien peur que nous perdions nos financements, avoua-t-elle surtout pour se parler à elle-même. Placé à côté d’elle, l’homme à l’ombrelle lui répondit, non sans une touche de surprise: -Madame, vous n’y pensez pas, il s’agit de Raymond Gabaret. Nous parlons de l’homme qui est parvenu à ouvrir le tombeau du chien d’or de Saïgon, retrouver les enfants disparus dans le train de Stockholm, démasquer le fantôme des ruines de Waterford ou encore mettre la main sur le trésor du pirate Hock le Tock, s’il ne peut pas vous aider, je ne vois vraiment pas qui pourrait le faire. -Je sais bien lui répondit-elle avec une forme de lassitude dans la voix, je me le répète sans cesse. Pourtant je ne peux m’empêcher de douter. -De toute manière nous serons bientôt fixés Madame, car voilà le train. Devant eux, une épaisse fumée s’avançait en flottant le long des rails. Le train se composait d’une longue locomotive sur laquelle s’élevaient 4 hautes cheminées qui recrachaient avec vigueur de colossales masses de fumée. D’énormes roues métalliques, emportées par des pistons et bielles motrices, tiraient une centaine de wagons qui serpentaient jusqu’à l’horizon, laissant l’illusion d’une machine descendue du ciel. Raymond Gabaret apparut ainsi, dans un mélange de vapeur et de chaleur, à la fois ombre et illusion, comme un mirage nébuleux. L’homme se tourna un instant pour s’émerveiller de cette fabuleuse machine, monolithe mécanique qui semblait lui avoir donné naissance dans la brume. Lady de Montignant, suivie de son homme à l’ombrelle, s’approcha de Raymond pour l’accueillir et se présenter à lui : -Monsieur Gabaret, lui dit-elle, je vous souhaite la bienvenue en terre catalane, j’espère que vous supportez bien la chaleur car le soleil d’Espagne est terrible en cette saison. Raymond se tourna vers les deux étrangers et les salua : -Je ne peux m’empêcher d’admirer ce que l’homme est capable de faire, je trouve tout cela impressionnant et terriblement attractif. Bonjour, vous êtes Madame de Montignant. Enchanté de faire votre connaissance Lady de Montignant apporta un large sourire et rajouta : -Et si vous souhaitez bien m’accompagner, je vous promets une surprise époustouflante. Raymond la regarda avec plaisir et suivit le majordome et sa Dame jusqu’à leur véhicule. Il s’agissait d’un de ces nouveaux modèles dont Raymond avait entendu parlé maintes fois, mais jamais réellement observé de près. Autonome, motorisé, ce bijou fonctionnait avec du charbon à combustion. Si bien que l’avant du véhicule se présentait comme une chaufferie très longue, montée sur six roues motrices, ou couraient de multiples cheminées. Lady l’invita à monter à l’arrière avec elle, tandis que son majordome prit place à l’avant, pour piloter l’engin. Une fois à l’intérieur, elle fut désireuse de rentrer dans le vif du sujet et entama immédiatement la conversation : -Monsieur Gabaret, si j’ai fait appel à vos services, c’est pour une raison bien précise. J’organise actuellement les fouilles d’une finca datant du 16ème siècle. Le propriétaire du domaine était un riche marchand de savoirs. Il était en possession de nombreuses découvertes et en faisait commerce à travers le monde. Cependant, l’Eglise ne jugea pas cela d’un très bon œil. Elle craignait que cet accès à certaines connaissances déstabilise son pouvoir. Aussi tout le domaine fut détruit par l’Inquisition et le propriétaire…. Elle stoppa brutalement sont monologue. L’homme qu’elle avait convié à la rejoindre pour lui prêter main forte, ne semblait absolument pas attentif à son discours. Il paraissait être plus absorbé par le véhicule dans lequel il circulait. -Monsieur Gabaret, je vous ennuie sans doute, lui demanda-t-elle. Ce dernier tourna le regard et lui répondit : -Non, non. Absolument pas. Toutefois, devant de tels objets, je ne peux m’empêcher de compter. -Compter, demanda-t-elle avec incompréhension, mais vous comptez quoi ? Raymond posa ses yeux droit dans les siens et lui expliqua : -Chaque chose à une signature et celle-ci se traduit par une respiration, un souffle. Nous avons tous un rythme cardiaque diffèrent, et celui-ci nous caractérise tout particulièrement. Il est l’équation qui permet de tous nous définir. Il en est de même pour toutes choses. Et ce véhicule ne déroge pas à la règle. J’écoute son rythme et ses pulsations pour connaitre son équation et comprendre comment il fonctionne. Lady de Montignant resta sans voix, elle ne savait pas si elle devait considérer ce discours comme du génie ou de la folie. Après quelques instants de stupeur incontrôlable, elle retrouva ses esprits, prit une profonde inspiration, sourit et continua son récit. -Donc comme je vous le disais, nous effectuons des recherches dans une finca du 16ème siècle. A l’heure actuelle, il ne reste plus grand-chose du domaine. Cependant, nous venons de mettre la main sur une étrange découverte, une porte mystérieuse que nous ne parvenons pas à ouvrir et nous avons besoin de vous pour nous

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improbable pigeon

Les nouvelles de l’été, un visiteur improbable, 3/3, Christine Guyot

Suite et fin de l’histoire de Jacqueline… quel est donc ce visiteur improbable?  La nuit de Jacqueline fut peuplée de cauchemars où d’énormes pigeons aux dents de requin, une serviette blanche nouée autour du cou se mettaient à table pour dévorer des plantes argentées aux yeux arrondis par l’horreur. Le lendemain matin, les yeux cernés et la bouche pâteuse elle ouvrit fébrilement ses volets peu après que la cloche de l’église ait sonné 7 heures. Elle crut perdre la raison. Rien n’avait été épargné. On avait ratissé ses bacs à fleurs. Les plantes gisaient à terre, les racines à l’air, recroquevillées sur elles-mêmes, flétries, racornies. La terre avait été soulevée, malaxée, retournée et formait des cratères béants. Des dizaines de têtes multicolores, décapitées, recouvraient le sol telle une couronne mortuaire. Seuls les CD continuaient à osciller comme des pendus au milieu du charnier. Jacqueline porta la main à son cœur. Elle avait du mal à respirer. Elle ne savait plus s’il lui fallait hurler ou s’asseoir sur le lit. Elle choisit la deuxième solution, ses jambes ne la portaient plus. – Ca peut pas être des pigeons … c’est pas des pigeons, c’est pas des pigeons… répétait-elle en boucle. Puis elle entendit la voix de Marc qui résonnait dans le couloir. – M’man vient voir criait-il tu vas pas en croire tes yeux ! Regarde qui est le coupable… – … La dépêche de Saint Léguin Mardi 6 juin 2017 Dans la nuit de dimanche à lundi, les bacs à fleurs de Mme Jacqueline Fromental ont été dévastés et réduits à néant par un suricate, petit mammifère de la famille des Mangoustes, échappé du zoo de Plitance du Mouch. D’après le directeur du zoo ce comportement inhabituel pourrait être lié à de la surpopulation. En effet, ces animaux qui traditionnellement vivent en groupe peuvent, lorsque leur nombre devient trop important, se disperser au loin à la recherche de nouveaux territoires. Le suricate se nourrissant essentiellement d’insectes et de petits rongeurs, ainsi que de tubercules ou de bulbes qu’il déterre avec ses pattes munies de fortes griffes est capable de déplacer son propre poids de terre en 20 secondes. Le suricate vagabond, qui s’est avéré être une vieille femelle, a été récupéré sain et sauf par les pompiers après une chasse périlleuse dans le jardin de Mme Fromental. Cette dernière a affirmé n’avoir jamais rien vu d’aussi étrange et se dit dévastée par la perte de ses fleurs. Elle a d’ailleurs réclamé des dommages et intérêts à la direction du zoo. « Ils vont me rembourser mes fleurs, c’est moi qui vous le dit » a-t-elle confié à notre journaliste « et aussi mon préjudice moral !» a-t-elle ajouté. Affaire à suivre… Charles G. Un visiteur improbable, par Christine Guyot.

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Jacqueline derrière ses rideaux

Les nouvelles de l’été, Un visiteur improbable 2/3, Christine Guyot

Que se passe-t-il donc au jardin de Jacqueline? Découvrez la suite du Visiteur improbable. – Sales gosses ! Je suis sûre que c’est un coup de ces sales gosses ! Ils marchent pas droit avec leurs trottinettes ! Elle enleva les tiges cassées en rouspétant et ramena la terre éparpillée au centre de la jardinière. Toute la journée derrière ses voilages elle espionna le moindre mouvement. Espérant presque que cela se reproduise pour prendre le coupable la main dans le sac. – Tu vas voir comment je vais te les recevoir moi ces gamins s’ils reviennent ! La fin de la journée se passa sans encombre, mais Jacqueline était sur ses gardes. Elle continua à dévisager chaque promeneur pendant son arrosage du soir. La nuit qui suivit fut mouvementée. Jacqueline voyait des dizaines d’enfants avec des têtes de trottinettes se vautrer dans ses jardinières et jeter sa terre en l’air. Le matin suivant, la journée s’annonçait radieuse. Pas un souffle de vent ne stoppa le bras de Jacqueline lorsqu’elle ouvrit ses volets battants. Le ciel d’une teinte bleue pâle abritait pourtant quelques nuages clairsemés. Si son premier regard s’adressait en général à la météo, ce ne fut pas le cas ce jour-là. Sans prendre le temps d’amarrer ses volets aux crochets, elle tourna inquiète la tête vers ses jardinières. Quelque chose clochait … Sans même enfiler sa robe de chambre, Jacqueline se précipita sur la terrasse pour constater que oui, c’était bien ça, elle n’avait pas la berlue, on avait éparpillé ses pétunias, encore piétiné ses œillets et cette fois-ci déterré une rangée de bégonias ! – Quel est le salopiaud qui m’a… Quel est le cochon qui… Stupéfaite, Jacqueline ne terminait plus ses phrases. La bouche entrouverte elle restait là les bras ballants, tétanisée par la douleur de voir ses tiges malmenées et ses fleurs saccagées. Ce n’est qu’en apercevant le facteur qui tournait au coin de la rue qu’elle se résigna à rentrer, consciente qu’elle était encore dans sa chemise de nuit de coton blanc. Toute la matinée elle épia les allées et venues du moindre être vivant, se demandant qui, mais qui, avait pu malmener à ce point ses petites fleurs innocentes. Marc persistait à penser que ça ne pouvait pas être un coup des gamins mais qu’il s’agissait d’une attaque de pigeons ramiers. Elle l’envoya dare-dare chez Monsieur Bilmas, qui ouvrait le dimanche matin, afin de lui demander conseil. Ce dernier préconisa les effaroucheurs. – Vous collez deux CD ensemble et vous les suspendez à une ficelle au-dessus de vos jardinières. A coup sûr y reviendront pas vos pigeons ! Marc alla donc fouiller dans sa réserve de vieux CD et l’on vit fusionner au bout d’une cordelette, accrochés aux treillages des jardinières, François Feldman et Karen Cheryl, tandis que Richard Clayderman faisait corps avec Georges Moustaki. Le soir venu les habitués tenant leurs chiens en laisse assistèrent médusés, dans la lumière du soir, à un ballet de disques compacts. … A suivre…

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un visiteur improbable

Les nouvelles de l’été, Un visiteur improbable 1/3, Christine Guyot.

Personne ne pouvait passer devant la maison de Jacqueline Fromental sans écarquiller les yeux. A l’entrée du village de Saint Léguin, c’était un festival de couleurs. Des rouges palpitants aux fuchsias intenses, des blancs laiteux aux roses poudrés, en passant par les jaunes et les orangés lumineux, l’œil accrochait toute la gamme des couleurs. Dans des bacs à treillage en bois naturel s’étalaient des dizaines de fleurs qui s’épanouissaient gracieusement, enrichies par un terreau gras et fertile. A chaque début de printemps, juste après la période des Saints de glace, tant redoutée par les jardiniers, Jacqueline se rendait à la serre de la famille Bilmas, pépiniéristes depuis trois générations. Avec l’aide de Monsieur Bilmas père, elle choisissait un à un les plants qui allaient fleurir ses jardinières. Comme chaque année, elle composait ses pleins soleils et ses mi-ombres.   – Les plantes ont leurs préférences, aimait à répéter Monsieur Bilmas, certaines aiment le soleil, d’autres l’ombre. On peut mélanger les couleurs mais sûrement pas les goûts ! Les pleins soleils de Jacqueline se composaient donc d’œillets nains rouge vif à œil cramoisi délicieusement parfumés ; de zinnias multicolores à grosses fleurs attirant de nombreux papillons et de pétunias à effet retombant formant une cascade de corolles pourpres. Les mi- ombres, quant à eux, contrastaient par la teinte pâle des impatiens à peine rosée ; le blanc pur des bégonias tubéreux à fleurs doubles et les fuchsias de Magellan aux clochettes bicolores. Dans un grand tonneau en bois Jacqueline récupérait, au bas de ses gouttières, l’eau de pluie qui lui servait à arroser, tous les soirs, les fleurs chéries. Malgré la désapprobation de son fils Marc qui ne comprenait pas pourquoi elle continuait à se casser le dos sur ses arrosoirs, Jacqueline ne jurait que par l’eau de pluie. – Tu comprends, lui disait-elle en pointant le ciel, tout ce qui vient de là-haut est propre alors que ce qui vient d’en bas… et elle faisait une moue dégoutée en regardant le tuyau d’eau de la ville. – M’man, tu oublies les polluants atmosphériques soupirait Marc. Ton eau de pluie, elle est chargée de polluants chimiques ! – Taratata ! Mon eau, elle est propre je te dis, et en plus elle est gratuite ! Marc n’insistait jamais. Il se résolvait à l’observer tous les soirs ôter avec délicatesse les fleurs fanées et lustrer les feuillages avec un chiffon doux. Un délicieux parfum de terre mouillée et d’effluves sucrées s’élevait alors dans les airs, embaumant ces premières soirées chaudes de printemps où la douceur vous imprègne jusqu’au bout des ongles. C’était l’heure où les promeneurs sortaient leurs chiens et Jacqueline en reine des fleurs se nourrissait de leurs regards admiratifs lorsqu’ils longeaient son florissant étalage de senteurs et de couleurs. Le lendemain était un samedi. Le jour des courses. Jacqueline aimait faire ses achats à Super U le samedi, car elle y rencontrait du monde et elle aimait s’arrêter entre le rayon boucherie et le rayon primeur pour écouter les ragots du village. Elle avait également reçu dans la boite aux lettres les promotions de la semaine. Un beurre Président gratuit, pour un acheté, ça valait le coup. En rentrant à la maison, elle eut l’œil attiré par un désordre inhabituel dans ses jardinières. Quelqu’un avait farfouillé dans ses bégonias ! Elle lâcha son caddie pour y voir de plus près. Bon sang ! Et en plus, quelqu’un s’était permis d’aplatir ses œillets ! … A suivre…

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Appel à textes

Appel à textes, cinquième sélection, “Un ours à reculons” par Elise Vandel-Deschaseaux

Nous voilà arrivés à notre dernière découverte avec notre cinquième sélection pour l’appel à textes « expérimentation libre avec la nouvelle ». Voici “Un ours à reculons” par Elise Vandel-Deschaseaux. En premier lieu, voici les contraintes qui ont pour originalité de se centrer plus sur le côté, relecture/réécriture. Les contraintes : Écrire une « nouvelle instant symbolique ›› qui explore un souvenir en glissant d’un univers à un autre. Qui ait une chute Et comporte une tonalité poétique Défis d’expérimentation : Réviser une nouvelle existante 1) en la réduisant à un nombre de caractères inférieurs (6311 au lieu des 19076 existants), 2) en supprimant les adjectifs inutiles et/ ou précieux, 3) en écrivant au présent, 4) en recentrant le texte sur le ressenti de la narratrice, en plongeant dans sa mémoire. Bonne lecture ! Un ours à reculons Maman me raconte une scène récurrente qui est restée gravée dans ma mémoire de fillette. Son sens du détail me caresse comme une poussière de joie. Les histoires qu’elle me lit ouvrent et referment des parenthèses entre lesquelles se glisse l’orée des rêves. Une de ces histoires me revient pourtant en mémoire avec plus de force que d’autres.   A mi-chemin entre le sommeil et le rêve, un paysage maritime tapisse mes paupières : une falaise que survolent les cormorans et les mouettes. Sous ma paupière, le marchand de sable sème la matière grumeleuse qui m’endort. Maman est une rambarde de sécurité contre la voisine ronchon, les bicyclettes à contre-sens et des griffes du chat. Pourtant, insensiblement, jour après jour, les effets apaisants du baume s’atténuent. Ce que papa et maman disent sonne creux. Être la spectatrice unique de leurs mots et gestes m’accable. Qui d’eux ou de moi tisse des mensonges ? Je contourne la question parce qu’il faut bien faire avec la réalité, mais je distends le lien qui nous unit. Papa trouve que le Brandy fait une compagne merveilleuse, toujours d’accord, disponible et à la bonne température. A troquer son remontant contre sa femme, papa perd l’une au profit de l’autre. Il vit un éboulement dans tout son corps humidifié par l’alcool qui dessèche. Sans surprise, papa entame une lente décrépitude, sournoise et diffuse, qui obéit à une géométrie imparable. Papa conserve son esprit clair. Cette lucidité le mène à la déréliction face à laquelle nous redoublions d’inefficacité. Empêtrée dans mes jupes et dans mes jeux, je fonce droit vers ma survie. Maman s’habille d’une peau d’amour pour tout encaisser. Et nous picorons les miettes du bonheur enfoui : les cookies à la noisette, les fous rires devant le miroir, les promenades en forêt. Papa est tenu à distance, comme un étranger. Nous créons un fantôme qui vit sous notre toit mais n’appartient pas à la famille. Il semble tenir bon, mais c’est précisément dans cet intervalle protecteur qu’il est réduit à un point minuscule. Maman étrangle son chagrin dans la mécanique inutile du foyer qu’elle gère avec une hystérie panique : ménage, courses, cuisine, lessives, factures- et recommencer. Mon père a des habitudes qui brossent à grands traits la toile de fond de sa vie, que je qualifie de misérable par souci d’exactitude.   J’ai autant besoin de mon père qu’un perroquet de la banquise.   Le sas de sécurité entre papa et moi ne se fissure pas avec le temps. Pour attirer son attention, je l’affuble en vain de sobriquets qui ont autant d’effet qu’une larme sur un feu de broussaille. Assise sous les roses trémières, je compte les fourmis. Les soirs où il a bu toute sa paie, Papa siffle ses bouteilles à la maison. Seul. Caché. « – Je vais bricoler dans l’atelier ››, lance-t-il.   L’été 1998 passe ainsi. Maman m’emmène pour la dernière semaine d’août chez sa sœur et ses nièces, mes trois adorables cousines. C’est une drôle de semaine, qui me voit coincée entre le besoin de lire le mot septembre sur mon agenda et le tourbillon de vie que forment mes cousines.   Les vacances touchent à leur fin. Nous regagnons la maison. Maman ne tourne pas la clé dans la serrure, la porte d`entrée entrebâillée s’ouvre sur Papa, endormi sur le sofa. Nous allons dormir sans le déranger. Au matin, à peine réveillée par les balbutiements du soleil entre les stores, ma gorge se noue brutalement. J’entends les pompiers au rez-de-chaussée. Je sursaute en voyant maman debout près de moi. Elle m’embrasse dans un sanglot fané.   Samedi 29 août 1998, veille de nouvelle Lune, une poignée d’heures avant ma rentrée au collège, papa est mort. Qu’aurait pu espérer un homme honnête, taciturne, dont le Brandy est devenu le meilleur ami ? Vient le temps des obsèques, puis celui du recueillement. Après l’incinération, papa semble bien proportionné au fond de sa petite boite, comme s’il recouvrait enfin la consistance éthérée de sa bouteille de whisky. Maman ouvre la boite. Le petit tas couleur de neige sale dégage une odeur transparente. Maman tend le bras en direction de l’à pic et disperse la poudre d’argent dans le vent. Papa constelle la mer d’une couche d’éternité. Le trajet jusqu’à la maison est beau et délassant. L’autoradio émet : « Non, je ne regrette rien »   Au début de l’automne, le deuil nous étreint violemment maman et moi. Il ne s’agit pas de faire table rase du passé mais de renaître à la vie qui affleure en surface.   Désormais, grand-père vit avec nous. Petit homme rabougri, Isaac a gardé des jambes d’agriculteur robuste qui tiennent bon malgré les années. La vue de mon père aux prises avec l’alcool lui a toujours été insupportable. Alors, il ne nous rendait pas visite. Depuis son mariage, maman y allait seule chaque année. Le départ précipité de papa a fait entrer ce petit homme bossu dans ma vie. Isaac emménage dans l’ancien bureau de papa, et nous sommes de parfaits inconnus l’un pour l’autre.   Il range ses affaires bien pliées dans la commode de sa nouvelle chambre. Ce meuble bas, au nom désuet, me plait doublement. L’avantage

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