L'Echangeoir d'Ecriture

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personnage

Problématique le personnage?

Une expérience avec un personnage problématique.

Voici pour une fois, un article plus personnel sur une de mes expériences d’écriture. La nouvelle dont je parle, Dans la nuit ténébreuse, a été publiée en 2018 dans le recueil du festival Mauves en Noir. L’article initial a été écrit en 2018. Le problème avec mon personnage : Depuis à peu près trois ans, je reprends régulièrement une nouvelle sur une tueuse à gages. J’ai résolu peu à peu les problèmes de structure et de style. Il me restait un souci avec le personnage. C’était elle la narratrice. Pourtant, j’avais l’impression qu’elle n’était pas présente dans l’histoire, qu’elle n’était qu’une voix. Si j’essayais de l’imaginer, je ne voyais qu’une sorte de grosse tache blanche, du genre ballon de baudruche en train de se dégonfler. Un résultat pas vraiment à la hauteur de mes attentes. Pendant longtemps j’ai tourné autour sans « réfléchir ». Je faisais de la relecture basique, changeant un mot par ci, une phrase par là. Evidemment, c’est très utile s’il s’agit de polir le style ou le rythme, mais ça n’aide pas beaucoup pour améliorer un problème de fond. Au bout du compte, je décidai de prendre le problème à bras le corps et de m’attaquer à ce personnage problématique en dehors même de la nouvelle. Une idée qui n’a pas marché : détailler  la vie du personnage problématique. Lorsque la pierre d’achoppement est un manque de profondeur ou de cohérence, c’est certainement une bonne solution que d’en savoir plus sur son personnage. Dans mon cas, le résultat n’était pas à la hauteur de mes espoirs. Quoiqu’il en soit, j’ai d’abord essayé de faire un résumé, entre le test de Proust et la méthode Truby. Très vite je me suis mise à rédiger. Au bout de 30 pages, non seulement cela ne m’aidait pas, mais en plus je m’étais créé des problèmes supplémentaires. D’une part je ne prenais pas de recul par rapport à mon premier texte. D’autre part, il me fallait donner des précisions qui n’étaient pas nécessaire dans une nouvelle. Par exemple, la nouvelle se concentre sur une seule mission, pas besoin d’expliquer comment elle en ait venue à faire ce travail. Mais dans un récit long, ça devient nécessaire. Alors, il faut faire des recherches parce que le monde des tueurs à gages, je ne connais pas bien… Et avec tout ça, elle demeurait insaisissable. L’idée des fiches préparatoires pour les personnages. Je me suis souvenue des fiches préparatoires aux personnages que j’utilise dans mes ateliers. Evidemment, je me suis sentie un peu bête. On développe des choses pour les autres et on les oublie pour soit…  Bref, j’ ai passé à la moulinette quelques-uns des personnages de tueurs, matons ou mafieux qui m’avaient le plus marqué, en positif ou en négatif. Je me suis rendue compte d’une chose qui aurait dû être dès le début une évidence mais que j’avais laissé quelque part dans les limbes. J’aime les personnages complexes, les personnages qui évoluent. Or mon personnage était tout d’une pièce, du genre grande méchante et elle le restait du début à la fin. Quelques heures plus tard, elle avait des faiblesses et quelques qualités. En plus, je commençais à lui trouver des possibilités de transformation. Et tout cela sans sortir du cadre souhaité pour la nouvelle.   Deuxième point que j’ai (re)découvert grâce à ces fiches : je n’aime pas quand les personnages sont trop décrits. Mais je ne suis pas très à l’aise non plus quand ils ne sont pas décrits du tout. Là j’en revenais à mon ballon de baudruche. Dans mon texte, il n’y avait qu’une seule allusion à son physique : à un moment, sa cible lui touche la main. Pour faciliter la visualisation, il y a mieux ! J’allais devoir lui donner, même de façon très imprécise et rapide, une silhouette, des détails. Le rapport au réel Donc, les fiches préparatoires aux personnages m’avaient ouvert des voies.Désormais, il fallait trouver comment s’y engager. Pendant un bout de temps encore (oui, cette nouvelle a vraiment été un exercice de patience), j’ai essayé de convaincre mon imagination de trouver un physique à cette fichue tueuse à gage. Je ne voulais pas d’un physique de série ou de film d’espion, mais quoi sinon ? Enfin, un jour dans la rue, j’ai repéré les détails qui me manquaient. Ce n’était pas seulement l’apparence mais aussi l’attitude, la façon dont la personne habitait son corps. Résultat, j’ai rajouté deux phrases dans ma nouvelle, une au début, une à la fin et enfin, j’ai eu le sentiment de voir mon personnage. Pour en finir avec les personnages problématiques : En conclusion, ces fiches ne seront jamais une baguette magique et elles ne vous trouveront pas toutes les solutions. Mais je crois qu’elles peuvent nous aider à prendre du recul, à trouver des références et donc des idées. De plus, le fait de verbaliser ce qui plait ou pas permet de mieux savoir ce que l’on veut faire. Enfin, elles sont de formidables moteurs pour une imagination qui n’est pas lâchée dans la nature mais qui est mise au service de votre désir d’auteur. Note finale : depuis j’ai rencontré bien d’autres personnages problématiques… A chaque fois, il m’a fallut inventer une solution différente. Flaubert dit que chaque texte a sa poétique propre qu’il faut trouver. Ajoutons que chaque défi à son chemin propre, qu’il faut parcourir et explorer sans se lasser !

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Préparer des personnages à la hauteur de vos ambitions.

Il y a quelques mois, je vous proposais un article sur les éléments à prendre en compte dans la création du personnage. Aujourd’hui, je souhaite prolonger le sujet avec un petit exercice d’avant-écriture, une sorte d’échauffement en quatre étapes qui vous aidera à obtenir ce que vous voulez de vos personnages. J’ai vraiment eu l’impression de progresser depuis que j’ai commencé à y réfléchir. J’espère que ce sera le cas pour vous aussi. Ière  étape : savoir ce que vous aimez et ce que vous n’aimez pas Dans cette première étape, il s’agit juste de nommer ce que vous aimez et ce que vous n’aimez pas. Vous verrez que mettre en mots ce que l’on se contentait de ressentir aide ensuite à créer. Prenez ainsi un peu de temps pour lister différents types de personnages. Par exemple : Vos cinq personnages principaux préférés (qu’ils soient « bons » ou « méchants » et si vous pouvez faire un mélange des deux, c’est génial). Deux ou trois personnages secondaires qui vous ont marqués. Deux ou trois personnages qui vous semblent totalement ratés (c’est utile pour ne pas faire pareil !). Les personnages que vous aimeriez créer. Les personnes (proches ou pas, célèbres ou pas)/personnages qui pourraient vous inspirer pour la création de vos protagonistes. Vous pouvez réaliser cette recherche sur « les personnages en général » ou sur un type de personnage particulier (les policiers, les fées, les enfants…) selon vos besoins. IIème  étape : analyse et traits saillants des personnages.  Maintenant il s’agit de savoir pourquoi vous aimez ou pas ces personnages, et donc ce qu’ils vous apprennent pour votre écriture. Cette fois-ci, je vous suggère le tableau suivant (que vous pouvez télécharger ici : la fiche analyse personnage ). Pour vous aider à remplir la deuxième colonne, voici une liste d’éléments sur lesquels vous pouvez réfléchir (bien sûr la liste n’est pas exhaustive…) : Vraisemblance : croit-on en ce personnage, vit-on avec lui, qu’il soit réaliste ou pas ? Proximité : comment perçoit-on le personnage ? Par ses paroles, ses pensées, ses actions ou y a-t-il un narrateur ou d’autres personnages qui font écran (qui nous parle de lui sans nous laisser le voir directement).  Quel effet cela procure ? Intimité : que sait-on sur le personnage ? Tout, rien, un peu ? Le connait-on bien ? Description : est-elle précise ? Juste esquissée ? Quel effet/besoin en ressentez-vous ? Voix : a-t-il une façon de parler qui lui est propre, une façon de penser ? Relation : Vous projetez-vous dans le personnage ? A quoi sert-il ? (fait-il bouger l’action, est-il témoin, sert-il de filtre…) Quel sentiment éprouvez-vous pour lui ? Savez-vous dire pourquoi ? Voici un exemple avec un personnage qui m’a marqué (cliquez sur l’image pour l’agrandir) :   IIIème  étape : réflexion et appropriation.  Grâce à ce tableau et en comparant plusieurs personnages, vous avez dû prendre conscience d’un certain nombre de choses au niveau de  vos goûts en matière de construction du personnage. A vous maintenant de faire un bilan : Parmi les éléments de construction du personnage quels sont ceux qui vous paraissent les plus importants ? Quels sont ceux que vous pourriez réutiliser ? Ceux que vous voulez absolument éviter ? Quels sont ceux que vous utilisez habituellement ? Comment pourriez-vous continuer à enrichir votre boite à outil à propos du personnage ? IVème étape : test et réutilisation des fiches préparatoires pour personnages.  Une fois que vous savez ce que vous aimez et souhaitez faire, vous pouvez tester votre personnage en écrivant des petites scènes. Choisissez d’abord des scènes qui le mettent en place dans son environnement quotidien : comment il se réveille, à quoi ressemble sa cuisine, quels trajets fait-il… ? A l’inverse, pensez aussi à le mettre dans une situation de crise : comment réagit-il si son voisin fait une crise cardiaque… ou toute autre scène sortie de votre imagination. Une fois votre scène écrite, évaluez-la en la comparant avec votre bilan et les caractéristiques de vos personnages préférés. Cela vous permettra de mieux les retravailler, pour tendre de plus en plus vers votre idéal. A vous maintenant, et n’hésitez pas à nous faire part de vos découvertes ! Pour en savoir plus, découvrez vendredi un exemple d’utilisation de ces fiches pour débloquer un personnage problématique.

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Jeux de cons

Les nouvelles de l’été: Jeux de cons! 2/2

« Je suis volontaire ». A ces mots hésitant, le pilote se retourna, surpris. -Pardon ? -Vous avez besoin d’un pilote ? J’ai 500 heures de vol sur Spitfire et je suis formée à la navigation, dit-elle en faisant un pas en avant. -Mais vous n’y pensez pas ! C’est la guerre ! La vraie… C’est autre chose que de livrer des avions. -Je suis votre meilleure option….- Le ton était plus convainquant. -Il faut du cran et du sang froid. Il faut maîtriser ses émotions ! la coupa-t’il. -Je suis votre meilleure option pour que la mission se fasse avant le coucher du soleil. -Elle n’a pas tort ! -C’était la première fois que l’officier de renseignement se joignait à la discussion- Si les allemands s’apprêtent à nous attaquer, je préférerais être mis au courant. La surprise de ce matin était, disons… désagréable. Le silence régnait dans la salle quand le chef le rompit : « Ne me le faites pas regretter ! » Il lui présenta la situation de la ligne de front, les terrains ennemis à éviter, les zones de DCA à contourner. Elle eut également droit à un cours accéléré sur le maniement de la caméra. Elle prit les derniers bulletins météo et traça sa route sur la carte en notant les points de passage. Tout en l’aidant à se sangler, il lui donnait les derniers conseils : « N’oubliez pas, votre vie est plus importante que la mission, pas de bravoure inutile. Une dernière chose, si vous êtes abattue derrière les lignes, ne vous faite pas prendre vivante ». Elle se demanda si finalement c’était une bonne idée. Son genou droit se mit à trembler. « Allez du courage, tu voulais de l’action, te voilà servie » marmonna-t-elle. Puis très vite l’expérience reprit le dessus. Le moteur démarré, elle roula jusqu’au seuil de piste et décolla. Son genou ne tremblait plus. Heureusement la couche nuageuse était basse, cela lui permettrait de s’y réfugier en cas de mauvaise rencontre. Tout en surveillant les alentours, elle se préparait à sa mission. A cinq minutes de l’objectif, elle décida de descendre. Alors qu’elle passait en palier, elle vit au loin des lueurs scintillantes. Cela lui rappela les feux d’artifices de son adolescence qu’elle trouvait si romantiques. Quelque chose éclata à droite, puis à gauche et soudain le ciel s’embrasa. Stupeur ! Ce qu’elle avait pris pour des lueurs était en fait le départ des coups de DCA. Après les 88 voici les 37 et les 20 millimètres qui entraient dans la danse. Les obus fusaient. C’était un miracle que l’avion n’ait pas encore été atteint. Elle plongea un peu plus vers le sol. Clac ! Bang !. Touché… Mais rien de vital, elle continuait. Elle survolait maintenant l’objectif en essayant de rester le plus stable possible. Elle passa en un éclair au dessus des troupes se jetant à couvert à son passage. A mesure qu’elle s’éloignait, l’intensité du feux diminuait. Quel étrange sensation de se retrouver à nouveau dans un ciel calme alors que quelques instants auparavant il bouillonnait. Elle était trempée de sueur et toute étonnée de s’en être sortie vivante. Tout en reprenant ses esprits, elle commença à vérifier si tout allait bien. L’avion répondait normalement. Alors que ses yeux parcouraient le tableau de bord, elle fut saisie d’horreur… Elle avait oublié enclencher la caméra ! Son genou se remit à trembler. Il n’était pas question qu’elle y retourne. C’était déjà un miracle qu’elle respire encore. Elle se rappela les paroles du soldat : revenir saine et sauve à n’importe quel prix. Et puis, on ne lui reprocherait pas d’avoir raté cette mission. Après tout, durant toutes ces années, on lui avait bien fait comprendre que l’on n’en demandait pas trop à une femme ! C’est certain, on l’accueillerait avec compassion et bienveillance, la félicitant même d’avoir essayé, et on n’en parlerait plus. Manette au plancher, manche à droite le Spitfire fit un superbe demi tour. Son genou ne tremblait plus. Elle essaya d’analyser la situation. Malgré tout, elle gardait l’initiative, même sur leur garde, ils ne s’attendraient pas à avoir aussi vite un deuxième passage. Elle choisit d’arriver par le nord mais cette fois en s’aidant du relief pour se soustraire le plus possible à la vue des artilleurs. L’avion volait bas… Plus bas que lors du premier passage… Dernières vérifications. Ne pas oublier enclencher cette fichue camera ! L’objectif n’était plus très loin. Instinctivement, elle tourna la tête à droite et vit des éclairs saccadés à la lisière d’un bois. Plus d’hésitation, elle piqua pour coller le plus possible au terrain. Déjà les premiers obus éclataient derrière elle. Le Merlin délivrait toute sa puissance faisant trembler le capot. L’artillerie se déchaînait, c’était maintenant un mur de ferraille qu’elle devait traverser. Elle rentra ses épaules et baissa la tête, illusoire protection contre ce déchaînement de fureur. Elle était encadrée par les traçantes. Par intermittence un « Bang » lui confirmait qu’elle était bien la cible. Sa vitesse était maintenant effrayante. Elle passa au dessus de l’objectif en trombe et se mit à zigzaguer dans le plan vertical et horizontal. Il fallait rendre imprévisible sa trajectoire pour désorienter les pointeurs. A nouveau, sans prévenir, le ciel redevint calme. Elle en profita pour vérifier l’état de la machine. Les commandes répondaient normalement, RAS. Elle coupa la caméra. Vérifications extérieures faites, elle constata un trou dans l’aile. « On pourrait sans problème y faire passer la tête de Mr Hasting ». A cette pensée, elle ne put s’empêcher de rire nerveusement. Tout en relâchant la pression, elle prit le cap de Melsbroek. « Quel jeux de cons quand même !» FIN   Retrouver la première partie ICI

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spitfire envol

Les nouvelles de l’été: Jeux de cons! 1/2

Tout la troupe du 15ième FPP de Hamble était rassemblée sur le tarmac. Les esprits étaient encore embrumés par les festivités du nouvel an mais ils commençaient à saisir la gravité de la situation. L’officier exposait l’ampleur du coup qui avait été porté à l’ensemble des aérodromes du front nord. Personne n’avait envisagé un tel scénario pour le premier jour de cette année 45. Ils étaient donnés KO et voilà qu’ils se relevaient. Le briefing terminé, la base fut prise d’une effervescence soudaine. Le personnel courrait dans toutes les directions. Dernières informations météo prises, situation de la ligne de front vérifiée, fiches de mission attrapées, tous se dirigèrent vers les appareils. La jeep, chargée de sept pilotes convoyeuses, roulait à vive allure, ne réduisant sa vitesse qu’une fois arrivée au pied de chacun des appareils. Parachute sur le dos, cartes et masque sous le bras gauche, Susan s’agrippait au montant du pare-brise avec son autre bras. On lui avait assigné un Spitfire PRXI, un avion taillé pour la reconnaissance photographique. Il était attendu à Melsbroeck, au squadron n°16 de la 34ième escadre. La voiture ralentit à nouveau, c’était son tour. Elle sauta en marche et se dirigea vers son taxi. Le mécano venait de finir les dernières vérifications et l’aida à s’installer dans le cockpit. Une fois la check list terminée, elle jeta un dernier regard dehors et démarra le moteur. L’hélice commença à tourner dans un bruit de tonnerre, les pots d’échappement crachant de longues flammes bleues. L’avion s’élança. Il fallait faire attention, le risque de collision était partout. Coup d’œil à droite, coup de frein, virage à gauche, le seuil de piste fut atteint rapidement. Autorisée à décoller, les gaz à fond, elle prit de la vitesse. Quelques coups au palonnier pour tenir les embardées et déjà l’avion ne touchait plus terre. La piste défilait à vitesse croissante. Tout en prenant de l’altitude, elle escamota le train, ferma le radiateur, ramena l’hélice au pas de croisière et prit le cap de la Belgique. Une fois en palier, bercée par la symphonie ronronnante du Merlin, son esprit se mit à vagabonder. Elle vivait des moments extraordinaires, elle en était consciente. Selon les standards de la société, sa place était derrière un fourneau, mais pour elle c’était inimaginable…une plaisanterie que sa mère s’acharnait à défendre. Elle se rappelait encore cet après-midi où Mr Hasting, riche propriétaire terrien, était venu la voir pour lui proposer un job en or : « Je suis sûr que vous feriez une épouse exquise. Votre élégance n’a d’égale que votre beauté et vos yeux bleus éblouiront notre foyer ». Il avait apporté un somptueux bouquet de roses. Avec un peu plus de courage, elle les lui aurait fait manger. Mais elle manquait encore d’aplomb pour s’opposer aux convictions imposées par sa mère. Cette dernière ayant commencé les négociations de la dot, elle s’était contentée de ne rien dire mais le lendemain elle signait son engagement dans l’Air Transport Auxiliary. La vie de pot de fleur ne l’enchantait pas ! De ce jour, plus aucune demande en mariage ne vint troubler Susan… Elle allait enfin pouvoir mettre en pratique ses leçons de pilotage. En effet, Mr Hasting lui avait apporté une opportunité en or et quel chemin avait été parcouru depuis ce jour ! Souvent dans la douleur, elle s’était découvert des aptitudes jusqu’alors insoupçonnées mais il lui arrivait de trouver triste et frustrant de faire ces vols de convoyage utiles mais sans gloire. Elle s’annonça verticale des installations et en profita pour regarder l’état du terrain. Un paysage lunaire se dévoila sous ses ailes. Les bâtiments étaient éventrés, la terre constellée de cratères et de carcasses d’avions encore fumantes. Heureusement, la piste avait été peu endommagée. En fin de dernier virage, elle débuta sa finale. Tout s’enchaîna très vite. Train sorti, volets abaissés, avec dextérité et souplesse, elle maintenait le cap. Survolant le seuil de piste, le Spit se posa comme une fleur puis roula jusqu’au dispersal et s’y arrêta. Par des gestes mille fois répétés, elle ouvrit le cockpit et s’extirpa de la carlingue. S’ensuivit un enchaînement de mouvements rapides et précis l’emmenant à la terre ferme. Personne ne vint l’accueillir. Elle avait déjà connu des bombardements mais ce qu’avait subi cette base semblait être d’un niveau au-dessus. Au creux d’un cratère, elle devina un bras et les restes d’une tête. C’était trop pour son estomac… le couvert d’un muret lui permit de vomir sans porter atteinte à sa pudeur. -Personne n’est préparé à ça ! Elle se retourna en s’essuyant la bouche et dévisagea l’importun. Elle reconnu l’insigne d’un squadron leader. Il la salua et bien qu’il ait du mal à marcher, il lui proposa son aide pour porter son parachute. Aide qu’elle refusa. Elle préféra engager la conversation : -Vous avez été durement touchés ? – Une véritable hécatombe, tous les avions ont été plus ou moins endommagés. Il ne reste plus que le votre. – Et vos pilotes ? Il fit une courte pause puis raconta ce qui s’était passé : au moment de l’attaque, le personnel était toujours en train de cuver les festivités du nouvel an au mess. La déflagration d’une bombe avait anéanti en une seconde toutes les forces vives de l’escadrille. Ceux qui n’étaient pas morts étaient bons pour un long séjour à l’hôpital. Il devait son salut à un pilier mais sa jambe avait été criblée d’éclats de verre. Au fond du dispersal, assis à un bureau, l’officier de renseignement les regardait entrer la mine contrariée. L’état major venait de téléphoner, il leur demandait de faire une dernière reconnaissance photographique sur la ligne de front. On redoutait une autre contre attaque allemande. Mais le squadron n’avait plus les moyens de la réaliser. Un avion et pas de pilotes valides, ils avaient beau se retourner le cerveau, aucune solution n’en sortait. -Je suis volontaire. A ces mots hésitant, le pilote se retourna, surpris. A suivre…

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Raymond Gabaret lumière

Les nouvelles de l’été: Raymond Gabaret et la divine équation 3/3

A peine eût-elle prononcé cette phrase que Lady de Montignant comprit qu’elle avait sans doute commis une erreur. Les yeux de Raymond allèrent de bas en haut à l’affut du moindre mouvement. Elle le vit compter, marmonner, elle reconnut la démarche, mais quelque chose était différent. « Un deux trois » l’entendit-elle fredonner « Je dois la trouver. Je veux savoir ce qu’ils allaient mettre à jour. Un, deux, trois. Un, deux, trois » lançait Raymond en arpentant la bibliothèque. Il s’arrêta, dans sa tête quelque chose fulminait. Les chiffres allaient et venaient. Son cerveau suffoquait, s’étouffait sous la masse de calculs qui lui était demandé. Quand tout d’un coup il stoppa, il trouva. « Zéro » se dit-il « Zéro, c’est le zéro! » Se répéta-t-il en lui-même. Mais bien sûr, c’est au centre du zéro, dans le monde obscur du néant, du nul. Je vois à travers, comme un œil ouvert sur des sciences inconnues des miracles de savoir. Je voyage, je suis la sève qui coule, la peau qui chemine, les étoiles qui scintillent. Je vois les oiseaux de fer, les hommes sous la mer, les citées interstellaires. Je découvre les mondes de l’ultra petit, les savoirs du corps et de l’esprit, la magie du ciel et de l’espace. Je suis les hommes qui s’émancipent, la rumeur des lumières qui peuple les villes, les planètes qui se colonisent. Je marche et j’arpente les vérités perdues et oubliées, je découvre les temples du savoir, la lumière de l’espoir et creuse, toujours plus profond jusqu’à entendre l’écho de nos Âmes en perdition. Elles se regardent et se fondent, s’aiment et se détestent, se détruisent et s’épuisent quand le soleil se vide dans leur cœur. Leur cœur, qui palpite, danse, chante, batifole, s’use et se brûle. Non! Attention! Ne te consume pas ! Sinon que restera-t-il de moi ? Portes-moi à bout de bras, je suis si seul et perdu quand tu n’es pas là, à chercher des réponses que je ne trouve pas. Je n’ai plus que des équations vides en moi et pas de réponse sur moi. S’il te plait aide moi, je me perds dans tout ça. Je suis en train de fondre d’exploser de douleur, d’incompréhension, de non-sens, de mort des sens. Ne suis-je donc que ça ? Une erreur sans raison, sans expérience ni science. S’il te plait, mon cœur s’écroule à tes pieds, s’il te plait, je t’en supplie, prend moi la main et montre-moi le chemin, montre-moi la vérité, montre-moi le sens de tout ça, la logique, la finalité, mon utilité. La lumière, la douleur et l’humidité le frappèrent de plein fouet lorsque, subitement, Raymond cessa d’écouter la respiration des lieux et que l’équation de la bibliothèque lâcha son emprise sur lui. Il fut surpris de se retrouver ligoté à une chaise, le corps complètement trempé et autour de lui, Lady de Montignant et son majordome les yeux terrifiés plantés sur lui. -Que se passe-t-il, trouva-t-il la force de dire. -Vous plaisantez ! Explosa Lady de Montignant. Elle fulminait. Nous nous sommes fait un sang d’encre, cela fait des jours que vous errez sans raison dans ces lieux, sans boire ni manger, à marmonner dans votre barbe. Vous avez fini par devenir incontrôlable et agressif. Raymond ouvra de grands yeux et balbutia quelque chose comme : -Mais…. Non… Mais… Qu’est-ce que ? Que s’est-il passé ? -J’ai réussi à trouver quelques éléments de réponses justement, lui expliqua Lady sur un ton plus calme et rassuré. Vous vous rappelez du livre que nous avons trouvé près de l’un des squelettes. Raymond hocha la tête mais ne souhaita pas s’exprimer. -Apres traduction, nous avons découvert que tous les squelettes présents dans la bibliothèque étaient en réalité des chercheurs qui s’étaient volontairement faits enfermer vivants. En réalité si l’Eglise voulait à ce point détruire cette finca s’était, parce que ces hommes souhaitaient égaler les Dieux. Ils avaient conscience que savoir et pouvoir étaient liés et que, plus ils en apprendraient sur le monde et son fonctionnement, plus ils s’approcheraient du Divin. Voilà pourquoi ces scientifiques désiraient tellement trouver la solution à leur énigme et leur équation. Et ils ont préféré s’enterrer vivants plutôt que tout perdre. Malheureusement, ils ont perdu leur esprit dans cette histoire. Ils ont tous été atteints d’une forme de fièvre du savoir. Cette même fièvre dont vous semblez avoir fait l’expérience ces derniers jours. -Si je peux me permettre, reprit Raymond, je dirais plutôt qu’ils se sont trouvés face une forme d’opium intellectuel. Une exquise expérience, une divine équation qui séduit, enivre et emporte vers la folie. Quand j’entends ce que vous me racontez, je me demande profondément qui était le plus inquisiteur. Mais une chose est désormais certaine la connaissance a ses limites et à trop vouloir comprendre on finit par s’oublier. Merci à vous, dit-il en levant les yeux vers Lady de Montignant. A l’avenir je tacherai de prendre un peu plus exemple sur votre manière de respirer. FIN Retrouver la première partie de la nouvelle ICI et la seconde ICI.

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bibliothèque raymond Gabaret

Les nouvelles de l’été: Raymond Gabaret et la divine équation 2/3

Lady de Montignant, s’approcha de Raymond dans le but de le féliciter, mais tout ce qui lui vient à l’esprit fut : -Comment avez-vous fait cela ? -Et bien j’ai résolu l’équation de cette porte. N’était-ce pas ce que vous souhaitiez ? Il tendit vers elle une main bienveillante pour l’accompagner dans la descente des marches. Lady de Montigant, accéda à son invitation en glissant ses doigts dans la paume de Raymond, comme pour s’en revêtir et la chausser. Ils s’introduisirent tous les deux dans l’obscure ouverture qui venait de s’ouvrir devant eux. Pas à pas, ils descendirent les marches, et à mesure qu’ils s’enfonçaient, des lanternes s’allumèrent sur leur passage. -Incroyable, s’émerveilla Lady en voyant leur chemin s’éclairer à mesure qu’ils descendaient. -Il s’agit d’une conception mécanique actionnée par le poids de nos corps, qui met en branle un système hydraulique qui vient approvisionner les candélabres en liquide inflammable, énonça Raymond. Lady de Montignant tourna vers lui un regard à la fois frustré et interrogateur : -Etes-vous toujours en train de compter, demanda-t-elle -Oui…, répondit Raymond avec un sourire cette fois un peu gêné. -Vous ne profitez donc jamais de la surprise des choses ? De la magie qui émerge de l’incompréhension. Du plaisir de simplement découvrir pour découvrir sans aller plus loin, juste se laisser porter par la beauté. Respirez au lieu de toujours chercher à comprendre comment tout respire. Raymond ne répondit rien et continua à descendre. Lorsqu’ils atteignirent enfin la dernière marche, une grande lueur envahit la pièce et laissa place l’instant suivant à une somptueuse bibliothèque. Sur le sol, couraient plusieurs tapis aux couleurs beiges et un long couloir s’avançait au milieu de plusieurs allées bordées de hautes étagères qui offraient une incroyable panoplie de livres, tous plus instructifs les uns que les autres sur toutes sortes et toutes formes de sciences. Au fond de la salle deux grands escaliers en colimaçon s’élevaient vers un balcon qui courait tout autour de la pièce. On pouvait y trouver de multiples sculptures, aussi bien que des tapisseries de maître accrochées sur le mur érodé par le temps. La magie du lieu laissa Raymond suspendu dans ses calculs. Il ne savait plus par où commencer pour dénicher l’équation de ce lieu. Il comptait ici et là, mais perdait en concentration à chaque fois qu’un nouveau détail se présentait devant lui. Il bondissait sans cesse entre les études alchimiques, la philosophie, la physique, les sciences de l’esprit, l’art, la musique, la littérature, toutes les formes de savoir semblaient s’être données rendez-vous au même endroit. Mais son enchantement fut de courte durée, un cri violent l’obligea à refaire surface et revenir à la réalité. Non loin de là, sur l’aile ouest un vaste salon s’étendait, il abritait plusieurs canapés, et sur chacun d’entre eux, des squelettes humains s’entassaient.  Lady, surprise par cette désagréable rencontre n’avait pu retenir son cri. -La bibliothèque était verrouillée, s’interrogea Raymond lorsqu’il découvrit la scène. Pourquoi sont-ils ici ? – Je n’en ai aucune idée répondit Lady de Montignant sa prononciation encore un peu saccadée par son cœur battant. Mais cela nous permettra peut-être d’en apprendre plus. L’un des squelettes tenait dans ce qui fut sa main, un vieux manuscrit. Lady, s’en saisit et partit dans l’envie de le parcourir. Malheureusement ce dernier, écrit en catalan, méritait une traduction. Par chance, Lady possédait quelques souvenirs de la langue et parvint à traduire certains passages. -Il semblerait, commença-t-elle, qu’il s’agisse de scientifiques réunis ici avant la fermeture de la bibliothèque. Si je comprends bien, toutes ces personnes s’étaient rassemblées pour découvrir et mettre à jour une science universelle, comme une forme d’équation capable de tout résoudre. … A suivre ! Retrouvez la première partie de la nouvelle ICI

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Campbell, le voyage du héros

Joseph Campbell, Les héros sont éternels, des étapes pour créer un héros

L’objet du livre de Campbell : découvrir la structure interne du parcours héroïque Le livre de Campbell[1] analyse mythes et  contes pour en découvrir la structure.  Facile à lire, avec des extraits de contes à l’intérieur des explications, il suggère beaucoup d’idées. Sur certains aspects cependant, le texte est assez fantaisiste. N’allez pas y chercher des vérités psychanalytiques! Mais c’est une vraie mine si vous souhaitez des informations pour organiser vos histoires ou découvrir (de façon très rapide) comment les narrations peuvent influencer les lecteurs. Utilisation et adaptation : dans quel type d’écriture ? Bien sûr, Campbell s’intéresse au conte, mais si vous faites attention aux étapes proposées, vous verrez qu’elles sont adaptables à bien d’autres genres. Fantasy, aventure, polar, roman initiatique ou d’apprentissage…  Tous contiennent et utilisent ce type de structure. On sait d’ailleurs que l’ouvrage a servi pour le scénario de Stars War ou  Matrix. Donc, une excellente trame que vous la suiviez… ou que vous la détourniez ! Le voyage du héros, douze étapes clés. Dans son livre Campbell présente trois grands moments de l’évolution du héros qui contiennent chacun plusieurs éléments (étapes de séparations, étapes d’initiations, étapes de retour). En réalité, le plus intéressant, c’est qu’à partir de ce livre, douze étapes ont été catégorisées, permettant ainsi d’obtenir une structure « idéale » du parcours héroïques. Les voici résumées pour vous : Le monde ordinaire : étape introductive pour décrire l’univers du l’histoire. Le héros ne se démarque pas encore. L’appel de l’aventure : un pays lointain, une forêt, un sous-marin, un geste maladroit… c’est l’élément perturbateur qui intervient (à vous de trouver à quel(s) texte(s) les exemples renvoient !). Réticences du héros : le personnage a ses limites. Cette étape permet de voir ce qui est « perfectible » en lui. La rencontre du « guide » : une figure protectrice qui servira de mentor. Le passage du seuil : il faut sortir du cocon protecteur et prendre des risques. Dans les contes, il y a pour symboliser ce moment, des torrents, des dragons… A vous de trouver comment dire le point de non-retour dans votre histoire. Les épreuves, alliés et ennemis : ils préparent le héros à l’épreuve suprême, lui permettent de se tester et d’acquérir de nouvelles capacités. Le lieu dangereux : il peut s’agir d’un lieu ou d’une rencontre, qui servira de cadre ou d’enjeu à la dernière épreuve. Épreuve suprême :  le héros affronte la mort (même symbolique) Appropriation de l’objet de la quête (qu’il s’agisse d’une situation sociale, d’une conquête amoureuse, d’un objet…) Retour et parfois nouvelles épreuves avant de ramener l’objet de la quête. Le héros, transformé par l’expérience acquiert un nouveau statut (mariage, position sociale, reconnaissance de son art…). Retour au monde ordinaire : personnage perd son statut de héros pour laisser la place à d’autres quêtes. On trouve des parcours similaires dans les contes bien sûr, mais aussi dans les mythes de passage à l’âge adulte. Il est même discernable dans La flûte enchantée, L’éducation sentimentale et certains romans contemporains ! Intérêt du parcours : L’intérêt principal de ce parcours n’est pas d’avoir une structure à respecter à la lettre, mais plutôt de jouer avec. La garder en toile de fond permets d’avoir des moments symboliques pour faire évoluer l’histoire et le personnage. Enfin, cela donne une strate de significations supplémentaires au texte et permet aussi d’en vérifier l’harmonie et l’organisation. A vous donc, de vous amuser avec ! [1] Le livre a été traduit sous deux titres différents : Le héros aux mille et un visages ou Les héros sont éternels. © Pixabay, CC0 © 2015, L’Echangeoir d’écriture

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auteur et personnage, les bons liens

Quelques outils pour aider à la création d’un bon personnage

Ceci n’est pas un énième article pour faire des fiches de personnages. C’est plutôt un bilan de mes propres difficultés et trouvailles. Un article plus personnel donc. En effet, lorsque j’écris, je suis souvent déçue du résultat, je ne sais pas comment produire ce que j’imagine. Comme dirait Stephen King,  ma boite à outils n’est pas assez remplie. Alors je me suis mise à chercher auprès des auteurs que j’admire quelques solutions. Voici ces « outils » qui m’accompagnent désormais lorsque j’écris. J’espère qu’ils vous seront également utiles. Le bon personnage, un ego imaginaire : Une phrase de Milan Kundera L’une des difficultés que l’on peut rencontrer lors de la création du personnage, c’est la tendance à s’y mettre trop soi-même. Les personnages, tous semblables entre eux, n’ont alors aucun relief. S’il s’agit d’un piège dont on est facilement conscient, reste le problème de savoir comment faire autrement. Ce qui  m’a ouvert une porte, c’est de prendre le problème à l’envers, grâce à cette phrase de Milan Kundera dans l’Art du Roman :  …les personnages de mon roman sont mes propres possibilités qui ne se sont pas réalisées. (…). Ils ont, les uns et les autres, franchi une frontière que je n’ai fait que contourner. Car oui, c’est certain, tout auteur se met dans ses personnages, mais il faut que ce soit productif. Pour paraphraser des termes de psychanalyse, il ne s’agit pas de projeter son « moi » dans un personnage et d’en faire une sorte de duplicata. Ce serait plutôt se projeter dans le « moi » du personnage pour essayer de voir tout ce que l’on pourrait faire, si on était lui. Gammes d’écriture pour un bon personnage Bon, je suis d’accord, c’est un peu compliqué en théorie. Voici un exemple pratique : Vous n’êtes plus vous, vous êtes le criminel d’un roman policier. Comment voyez-vous les victimes? Quel rapport entretenez-vous avec la vie humaine, avec  la morale ? Mais aussi, comment percevez-vous votre lieu d’habitation, les musique, les couleurs (ou autres détails importants dans votre récit) ? Ensuite, comment allez-vous vous exprimer, qu’est-ce que va vous attirer, vous révulser, vous faire peur… ? Rappelez-vous, votre but est d’expérimenter ce qu’un autre pourrait penser. Il ne s’agit pas de donner à un personnage ce que vous, auteur, pensez. Essayez, non seulement d’écrire cette vision des choses, mais de la vivre (pendant un temps limité !). Enfin, revenez toujours à votre propre opinion, pour vérifier qu’elle est bien différente. C’est une expérience désarçonnante mais enrichissante. Si cela vous parait impossible, voici un deuxième exercice.  Dans votre entourage, choisissez une personne que vous connaissez moyennement. Mettez-là dans une situation romanesque et imaginez comment il/elle pourrait réagir. Vous pouvez vous entraîner également avec des personnages de fiction ou de parfaits inconnus que vous avez pu observer à l’arrêt de bus, à la queue de la boulangerie… Là aussi, faites toujours des vérifications entre votre texte et le caractère que vous avez défini à l’avance. Il y a parfois des glissements surprenants ! N’hésitez pas non plus à noter des expressions, des réactions qui pourraient vous être utiles pour de futurs personnages. En résumé, perdez votre personnalité pour vous fondre dans celle de votre personnage au lieu de vous projeter en lui. Personnage principal versus personnages secondaires : « Et si le véritable talent du narrateur –romancier ou cinéaste- ne résidait pas dans la création des héros mais dans celle des personnages secondaires ? »  demande Antonio Muñoz Molina [1]. Un bon personnage est toujours pris dans un réseau. Si vos personnages secondaires ne sont pas à la hauteur, votre protagoniste s’en trouve  affaibli. Par ailleurs, c’est souvent la multiplicité des points de vue qui fait les œuvres remarquables : Le roman, c’est le paradis imaginaire des individus : c’est le territoire où personne n’est possesseur de la vérité , ni Anna, ni Karénine, mais où tous ont le droit d’être compris, et Ana et Karénine[2]. Kundera nous rappelle une chose essentielle. Tous nos personnages doivent avoir leurs raisons d’agir, leur part de complexité. Mais aucun ne doit tout contenir à lui seul. Comme le dit Stephen King, oublier cette multiplicité du réel, c’est risquer de faire des clichés ou, pour reprendre ses mots, des “nullités unidimensionnelles” : Il est aussi important de se rappeler que personne n’est le « méchant » ou le « meilleur ami » ou encore « la pute au grand cœur » dans la vie réelle ; dans la vie réelle, nous nous considérons tous comme le personnage principal, le protagoniste alpha, l’incontournable ; c’est sur nous que sont braqués les projecteurs. Si vous êtes capable d’adapter cette attitude à vos œuvres de fiction, vous ne trouverez peut-être pas plus facile de créer des personnages remarquables, mais vous aurez moins tendance à engendrer les nullités unidimensionnelles qui peuplent tant d’ouvrages de fiction populaire.  p. 227 Donc, n’habitez pas seulement votre personnage principal. Allez aussi loger chez les autres et affinez ainsi leurs relations, leurs différences, leurs personnalités. Le rapport à l’histoire et à  l’universel : Mais un bon personnage ce n’est pas seulement une personne ou une personnalité. Un bon personnage, c’est aussi un pion qui doit faire avancer votre histoire. Il doit donc être en construit en fonction de cette histoire. Et puis, ce sera aussi un porteur de symboles pour votre lecteur, un représentant d’une façon d’agir et de voir le monde. C’est là qu’intervient le pouvoir des grands personnages, ceux qui marquent les époques. Le vrai bon personnage est « un instrument séduisant qui instaure une forme de dialogue entre l’auteur et son lecteur sur l’histoire du monde, sur la place de l’homme et ses désirs dans une société donnée[3]. ».  Sa force résidera dans le mélange du courant et du particulier qui permettra à tout lecteur de s’y identifier[4]. Mais attention, les personnages “idées”  sont souvent froids et emphatiques. Ce n’est pas le symbole qui porte le personnage. C’est d’abord une individualité qui deviendra un symbole. Forme de présence du bon personnage Cela dit, comment incarner de telles idées de personnage dans un texte ? On en revient là à une maxime de base de l’écriture. Montrer  et ne pas dire, faire agir sans commenter, limiter les informations. Ainsi, Virginia Woolf donne l’exemple de

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trouver une voix pour son personnage

Trouver une voix pour son personnage: petit détour par l’atelier d’écriture

Lors de notre atelier d’avril, nous avons pris le temps de réfléchir sur la façon de trouver une voix pour son personnage. Avec la complicité de certains de nos participants, découvrez quelques trucs d’écriture pour faire parler vos personnages. Le principe de l’atelier « trouver une voix pour son personnage » Comment trouver une voix pour son personnage ? Comment réussir à la rendre identifiable, personnelle et surtout différente de celle de l’auteur et du narrateur ?  Voici quatre conseils basiques : Se rappeler que nous parlons en fonction de notre personnalité, nos mœurs, nos origine, notre âge. De plus, nous avons tous des mots préférés mais aussi des tics de langage, des béquilles, des rythmes qui reviennent. Ecoutez. De même qu’il est vain de chercher à écrire sans lire, si vous voulez faire parler vos personnages, commencez par écouter comment on parle autour de vous. Ecoutez dans la rue, les transports et les cafés (comme Flaubert !), écoutez dans les lettres, les journaux, les romans, les films et des séries… Ecoutez, choisissez, retenez ce qui conviendra pour tel ou tel personnage. Souvenez-vous enfin que vos dialogues ne sont pas de vraies conversations mais des échanges sélectionnés pour faire avancer le texte et avoir l’air réaliste. Les phrases échangées seront toujours plus « travaillées » que dans la réalité. Par ailleurs, elles seront aussi plus concises et moins répétitives. Ancrez votre dialogue dans la situation. Vos personnages ne parleront pas de la même manière s’ils sont en pleine forme, malades ou ivres, s’ils viennent d’apprendre un décès ou de réussir un examen ! Les textes des participants : Après quelques étapes préparatoires, les participants se sont lancés dans l’écriture d’un monologue intérieur racontant un cauchemar. (A partir d’une photo montrée lors de l’atelier). Chacun a tenté non seulement de créer un univers de rêve mais aussi de trouver les mots qui ne seraient que ceux de leur personnage. Merci à Christine, Richard et Vincent d’avoir bien voulu proposer leurs textes. Voici le texte de Christine : ICI Puis celui de Richard :ICI Et enfin le texte de Vincent : ICI Bonne lecture et à bientôt !

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bien décrire

Décrire sans ennuyer, petit détour par l’atelier d’écriture

Tandis que les réponses au sondage pour les propositions futures du blog s’accumulent, je vous propose aujourd’hui un petit détour par notre atelier d’écriture « Le personnage ». Avec la complicité de nos participants, découvrez quelques trucs d’écriture pour décrire sans ennuyer. Le principe de l’atelier “Décrire sans ennuyer” : Tout d’abord, après avoir exploré différents textes descriptifs d’horizon variés (roman classique, policier, nouvelle, roman historique, roman contemporain, humour…), chacun a noté ce qui lui semblait important pour une description réussie. Nos conclusions pour bien décrire : Décrire, c’est toujours effectuer une pause dans l’action. De ce fait, il y a des risques de perdre le lecteur. On doit donc trouver des moyens de maintenir son attention : En la justifiant, ainsi on donne au lecteur une raison de s’y intéresser. En cherchant le  plaisir de lecture, par la poésie, l’humour ou l’originalité. Mais aussi en bannissant les longueurs et les clichés. Sans oublier de laisser de la latitude au lecteur : de toute façon, il n’aura jamais la même vision que nous. Ce n’est pas grave tant que les éléments symboliques nécessaires à l’histoire sont transmis. En y mélangeant de l’action. En faisant passer la description par un regard (du narrateur ou d’un personnage focalisateur) fasciné, intéressé, méprisant… L’émotion ou le ressenti sont ainsi transmis au lecteur. C’est le « stratagème Sherlock Holmes ». … en inventant de nouvelles formes et astuces ! Personnellement, j’ai l’habitude de me poser les questions suivantes lorsque je dois décrire : Qui va décrire et/ou regarder ? Pourquoi cette description, qu’apporte-telle ? Comment ? Est-ce que je la mélange à de l’action ? à du récit ? Quand ? C’est-à-dire à quel moment de l’histoire et sous quel prétexte ? Voilà pour le (très rapide) résumé de notre session description. J’espère que cela vous aura donné quelques pistes à vous aussi. Les textes des participants : Après quelques étapes préparatoires, les participants se sont essayé à l’écriture de la description. Merci à Richard, Vincent et Christine de nous proposer leurs textes. Découvrez ici le texte de Vincent. Puis voici le texte de Richard. Et enfin le texte de Christine. Si vous êtes dans la région toulousaine, n’hésitez pas à nous rejoindre pour notre prochain atelier mercredi à Léguevin. Nous travaillerons sur la voix du personnage. A bientôt ! © Pixabay, CCO © Pixabay, CCO

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