Pourquoi lire … de mauvais livres (quand on ne peut pas faire autrement) ?
Histoire d’une lecture décevante… mais révélatrice. On a tous des livres qui nous rebutent. J’ai acheté il y a peu un de ces mauvais livres, doté d’une belle critique en quatrième de couverture, d’un titre intrigant, mais terriblement décevant… Bon, j’étais dans un avion, je n’avais rien d’autres à faire, alors, j’ai lu. Au bout de dix pages, je râlais toute seule, au bout de vingt, j’imaginais des conseils à l’auteur, au bout de trente… Au bout de trente, je me suis rendue compte que certains des pièges dans lesquels était tombé l’auteur, je m’y étais fait prendre aussi. Finalement, ce roman avait peut-être des choses à m’apprendre… De l’impact des lectures sur l’écriture : Comme l’a dit Nancy Huston, nous sommes une « espèce fabulatrice[1] ». Nous faisons de nos vies des histoires, nous racontons nos problèmes, nos réussites comme des histoires. C’est par elles que nous comprenons notre existence et le monde qui nous entoure. Si nous faisons attention, nous verrons que la plupart de ces narrations qui nous parviennent ne sont pas transcendantes : papotages de bureau, pub, faits divers, série TV… Nous sommes environnés pas ces « histoires bas de gammes » qui nous remplissent l’imaginaire sans nourrir notre esprit… Ce qui a priori devrait nous envoyer dans la même direction et nous faire produire le même genre de textes. Alors pourquoi lire de mauvais livres ? Les « bons » livres ne nous ouvriraient-ils pas de meilleurs horizons ? En fait, il y a quand même quelques points à en retirer, tout simplement pour faire mieux. Utiliser les mauvais livres : Aiguiser son regard critique : D’abord, il est plus facile d’être critique avec les autres qu’avec soi-même. Lorsque l’on écrit, on est pris dans un sujet qui nous attire, avec des personnages qui ont vécu en nous et qui nous touchent. En tant qu’auteur, on se fait plaisir en racontant plus de choses que nécessaire, en laissant de belles phrases dont on est fier même si elles n’apportent rien, en « oubliant » des passages importants mais difficiles à mettre en mots. Comme on a l’histoire dans la tête, on recolle les morceaux et on ne voit pas les problèmes. Sauf que le lecteur, lui, les voit. Et lorsque vous lisez de mauvais livres, vous les voyez aussi. Alors, profitons-en pour repérer ce qui marche et ce qui ne marche pas, pour prendre de la distance, réfléchir à la construction du texte, la présence des personnages, le style…Lorsque vous lirez votre propre texte, vous aurez ainsi de l’entraînement pour avoir un regard extérieur, plus objectif et attentif. Se faire une liste « pense-bête » des choses à ne pas faire : On peut aussi aller plus loin en établissant une liste des choses à ne pas faire. Un personnage trop longuement décrit, des répétitions, des dialogues sans rythme ni crédibilité, une absence de sens ou alors une trop grande place à un message politique, moral, religieux… Chacun fera sa propre liste en fonction de ses difficultés d’écriture. Pour moi, à partir de ce livre dont je vous parlais tout à l’heure, je me suis promis de Faire attention à la psychologie des personnages, en particulier des personnages historiques. Une jeune campagnarde du XVIIème ne peut pas avoir les mêmes rêves qu’une lycéenne contemporaine ! Donc, faire des recherches sur les faits, mais aussi les façons de vivre, de penser… Ne pas faire du suspens pour faire du suspens… Si vous accumulez du mystère alors qu’il n’y a rien à cacher, vous ne faites que manipuler le lecteur. Si découverte il y a, il faut qu’elle ait aussi un effet sur le lecteur. Eviter les belles phrases qui ne servent à rien. C’est aussi ridicule que les tops modèles qui se pavanent devant des voitures. Eviter la grandiloquence, le sentimentalisme, le pathétique. Les émotions, il faut que le lecteur les ressente, il n’a pas besoin qu’on les lui explique ! J’aime que l’histoire me dise quelque chose, qu’elle me montre le monde et m’explique une partie de l’existence ou alors qu’elle soit un bon divertissement, efficace et assumé. En tant que lecteur, je donne du temps au livre. J’attends donc qu’il m’apporte quelque chose en retour. Voilà mes pistes d’écriture ou plutôt de réécriture. J’espère qu’elles m’aideront à traquer ce que je n’aime pas et ainsi éviter nombre de chausse-trappes. A vous de faire la vôtre, en fonction de vos besoins et de ce que vous attendez d’une « bonne lecture ». Imaginer en contre-pied ce que serait le texte idéal ; Si vous trouvez que c’est voir les choses trop en négatif, vous pouvez aussi faire la démarche inverse : Si je n’ai pas aimé tel élément, c’est que pour moi, dans le livre idéal, il devrait y avoir au contraire tel autre élément. Par exemple : je n’aime pas les phrases qui ne servent à rien. Donc mon texte idéal serait suffisamment concis pour que chaque mot soit nécessaire. L’esthétique ne se trouverait pas dans une accumulation de mots mais dans le choix de chaque parole, chaque phrase, chaque figure littéraire. Un de mes objectifs de relecture sera donc de supprimer tout ce qui n’est pas indispensable. Encore une fois, à vous de vous constituer votre propre grille d’écriture. Bref, lire est essentiel et lire de façon critique est un outil fondamental. Alors à vos bouquins -bons et mauvais livres- et n’oubliez pas d’y revenir plusieurs fois : au moins une fois pour apprécier l’histoire et une fois pour voir ce que vous pouvez en apprendre. Bonne lecture ! [wysija_form id=”1″] [1] Nancy Huston, L’Espèce fabulatrice, Actes Sud, Arles, 2008, coll. Babel.
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