L'Echangeoir d'Ecriture

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art du roman, cit complexité

Penser l’écriture avec L’art du roman, Milan Kundera

  Pourquoi (re)lire L’art du roman Je ne sais pas si c’est pareil pour vous, mais après trois semaines sur la nouvelle, j’ai envie d’autre chose. En fouillant dans ma bibliothèque, j’ai retrouvé L’art du roman. Je me suis rappelé à quel point ce livre m’avait paru enrichissant. Après tout, le roman, ce n’est pas seulement, une nouvelle un peu longue… Et le livre de Kundera offre des clés et des pistes pour tout amateur de littérature et tout écrivain qui veut penser l’écriture.

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Atelier d’écriture : le questionnaire de Proust, avantages et inconvenients.

Pour ce troisième atelier, nous avons utilisé une variante du « questionnaire de Proust » afin de mettre au jour les grands traits d’une possibilité de personnage. Attention, il s’agissait d’un jeu en vigueur à l’époque de Proust, pas de sa méthode pour créer les personnages ! Vous pouvez trouver l’original facilement sur internet. Voici quelques extraits de l’atelier, avec des contributions des stagiaires. (Merci beaucoup Richard, Anick et Leïla).

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L’anatomie du scénario, John Truby, la référence des jeunes écrivains?

Première rencontre avec L’ anatomie du scénario Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de participer à un atelier d’écriture d’Alain Absire (prix Fémina, 1987). Pour être honnête, l’atelier ne m’a pas laissé de grands souvenirs, en dehors d’une jalousie chronique envers les québécois qui ont la possibilité de faire des masters et des doctorats en écriture créative. Néanmoins, c’est lors de cet atelier que j’ai entendu parler pour la première fois de L’anatomie du scénario (John Truby) et rien que pour ça, ça valait la peine d’y aller.   Alain Absire avait présenté le livre de Truby comme la Bible de tout écrivain débutant. Si vous ne le connaissez pas, je vous propose de vous y attaquer tout de suite ! L’ anatomie du scénario : un ouvrage ample, concis et précis. Dans son ouvrage, John Truby part du principe qu’une bonne histoire n’est ni une structure mécanique, ni une belle anecdote que l’on pourrait raconter n’importe comment. Une bonne histoire, pour Truby, est une histoire organique. Elle évolue comme le ferait un être vivant. Elle doit toucher le lecteur émotionnellement et intellectuellement. Enfin, elle doit aussi être symbolique pour offrir une meilleure compréhension de la vie. Vaste programme, n’est-ce pas ? Une bonne histoire est une histoire organique. Elle évolue comme le ferait un être vivant. Elle doit toucher le lecteur émotionnellement et intellectuellement. Enfin, elle doit aussi être symbolique pour offrir une meilleure compréhension de la vie. Aussi ambitieux soit-il, John Truby croit que chacun peut s’en approcher avec un peu d’imagination et les techniques adéquates. Il propose donc un chapitre sur la prémisse (travailler son idée) et ensuite un chapitre pour chacune des étapes de la structure narrative. Sont traités les personnages, le débat moral, l’univers du récit, le réseau de symboles, l’intrigue, le tissage des scènes, la construction des dialogues. Les points les plus intéressants En plus de la richesse des thèmes abordés, la façon d’expliquer et d’illustrer rend le livre passionnant et facile à lire. Pour moi, les chapitres les plus intéressants sont celui sur la prémisse (créer, affiner, approfondir une idée) et celui sur le débat moral. John Truby y montre comment un livre accroche par l’évolution d’un personnage qui implique émotionnellement le lecteur. (On parlerait de « projection » en psychologie). Il découvre ensuite différentes techniques pour créer ce vécu chez le lecteur. Par ailleurs, chaque explication est suivie de plusieurs exemples (romanesques ou cinématographiques) qui sont analysés pour en révéler le fonctionnement. Outre le fait que cela multiplie les idées d’écriture, vous n’en sortirez pas sans avoir envie de revoir Le Parrain, relire Les Hauts de Hurlevent ou redécouvrir Casablanca, en vous demandant comment vous n’aviez pas perçu tous ces détails plus tôt… Troisième élément : les fiches d’écriture. Chaque chapitre se termine par un exercice permettant de tester tout ce que l’on vient d’apprendre. C’est idéal pour mémoriser les informations et aussi les adapter à ses propres projets. Allez, au travail ! Enfin, dernier point non négligeable, la présentation est claire et soignée. Il y a des schémas, des encadrés, des rappels… Le style est fluide. Les résumés des œuvres analysées coupent agréablement les parties didactiques. On lit avec intérêt, avec passion et sans avoir l’impression d’étudier. Quelques éléments à nuancer L’ anatomie du scénario procède pourtant d’une vision unique de la fiction. Pour Truby, une bonne œuvre raconte une transformation morale à travers une structure et des symboles, quel que soit le genre de la fiction. A l’en croire, il ne pourrait y avoir d’œuvre valable en dehors des cheminements initiatiques ou d’apprentissage. Or, on sait bien que ce n’est pas le cas. Je pense notamment au genre policier ou historique. Marlowe, Adamsberg, Brunetti et compagnie se transforment-ils radicalement à l’intérieur de chaque œuvre ? Non, évidemment. Sinon l’idée même de la série ne serait pas viable. (Attention, je ne dis pas qu’ils n’évoluent jamais. Je souligne juste que ce n’est pas une transformation ontologique, qui remet en question la nature du personnage). D’autre part, il s’agit d’écriture du scénario. Donc, même si tous les conseils sont applicables à d’autres formes d’écriture, il reste qu’il manque les questions spécifiques à l’écriture littéraire. Vous n’y trouverez rien sur le style, le rythme, les figures…. A vos plumes ! Malgré ces quelques nuances, c’est un ouvrage que je recommande vivement. Personnellement, je l’utilise autant pour préparer un projet que pour cibler des pistes de relectures ou créer une proposition pour un atelier. Bien sûr, il ne s’agit pas de le suivre à la lettre. Mais, dès que l’on adapte ce type de conseils à son propre travail, c’est extrêmement enrichissant. Envie de tester ? Prenez un exercice d’écriture et postez-nous le résultat ! J’ai hâte de voir vos propositions.

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A travers le regard du personnage

Atelier d’écriture: explorer le regard du personnage

L’univers du texte à travers le regard du personnage Pour ce deuxième atelier centré sur le regard du personnage, nous nous sommes inspirés d’un exercice de John Gardner (The Art of fiction). L’objectif était de découvrir l’importance du personnage, non pas en tant qu’individu, mais comme porte-voix du texte. Voici quelques extraits, avec des contributions des stagiaires. (Merci beaucoup Richard et Anick !) Le principe de l’atelier « explorer le regard » Suivant l’exercice de John Gardner, il fallait décrire un paysage à travers les yeux d’un personnage se trouvant dans une situation particulière. Il ne fallait pas mentionner la situation mais le lecteur devait être capable de la deviner. Cette expérience fait donc prendre conscience de façon divertissante de l’importance du regard du personnage pour l’ensemble du texte. Voici l’image de départ et deux des textes écrits lors de cet atelier : Découvrez ICI le texte d’Anick. Découvrez ICI le texte de Richard Et puis voici certaines des situations qui avaient été soumises à nos écrivains. Êtes-vous capable de deviner à laquelle d’entre elles renvoient les deux textes ? Le lac vu par un jeune homme qui vient d’assassiner quelqu’un. Ne pas mentionner l’assassinat. Le lac vu par un rapace en train de repérer sa proie. Ne pas mentionner l’oiseau. Le lac vu par un enfant venu faire du camping sauvage pour la première fois et qui a oublié son doudou. Ne pas mentionner le doudou ni le camping, ne pas préciser explicitement qu’il s’agit d’un enfant. Le lac vu par un homme qui vient de découvrir que sa femme le trompe et qui vient tenter de maîtriser sa colère. Ne pas mentionner la femme. Le lac vu par un enfant qui, pour se venger d’une dispute avec sa sœur, lui a volé son jouet préféré et souhaite le faire disparaître. Comme vous vous en doutez sans doute, la proposition a été à la source d’une réflexion sur la focalisation et le choix du point de vue de narration. N’hésitez pas à nous faire part de votre propre expérience sur ce sujet ! Et découvrez bientôt l’atelier suivant : personnage et personnalité. © 2015, L’Echangeoir d’écriture.

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Atelier d’écriture: définir ses envies de personnages.

Notre premier atelier sur les personnages Au mois d’octobre dernier, nous avons eu le plaisir de relancer les ateliers d’écriture de L’Echangeoir. Voici un extrait du tout premier, avec quelques contributions des stagiaires. (Merci beaucoup Richard !) Le principe de l’atelier d’octobre Il s’agissait, pour commencer notre année sur la création du personnage, de repérer des éléments récurrents et caractéristiques chez les personnages que nous aimons (romans, nouvelles, séries, films). En effet, cela permet de mieux cerner ce que chacun a réellement envie de créer et par là même, de commencer à définir un projet. Après un premier temps de réflexion et de prise de note, le challenge littéraire était de réussir à représenter ces particularités sous forme de liste ou d’inventaire. Pour ce faire, nous avions plusieurs modèles. Il y avait tout d’abord le classique de  Sei Shōnagon (Notes de chevet) puis la version humoristique de Jean-Marie Blas de Roblès et ses derniers télégrammes de la nuit (L’île du point Némo). L’autre modèle était la liste d’objets, intégrée sous forme d’énumération à l’intérieur d’une fiction, avec pour exemple un extrait de La grand nuit des temps d’Antonio Muñoz Molina. Quelques productions de l’atelier d’octobre : Richard : Il aimerait être décrit comme un conquistador du passé, un vieillard chevauchant sa mule pour combattre les géants. Il aimerait être décrit comme un mouton, se balançant entre ciel et terre, de stratosphère en atmosphère pour éviter de finir le cul par terre. Il aimerait être décrit comme un artiste, un mégalo un peu bobo, gangster à ses heures, séducteur et arnaqueur. Il aimerait être décrit comme une ombre, une aberration, inconsistant et surnaturel. Il aimerait être décrit comme celui qui est son père. Il aimerait être décrit comme un archéologue, un aventurier à la recherche de trésors perdus, de tombeaux oubliés, le regard noir, le sable dans la barbe, qui attend sa bière au coin du bar. Il aimerait être décrit comme un fanatique fou furieux, un illuminé charismatique, aussi bien capable de manipuler les esprits que les foules. Malie : Personnage secondaire que l’on voudrait connaître –ou mieux, imiter : Il ou elle sait garder le silence. Il ou elle ne parle que pour dire des choses sages. Il ou elle a de l’expérience et ses remords sont nobles. C’est le modèle, le guide, la référence morale et affective du héros. Atticus Finch, encore et malgré tout. Albus Dumbledore tant qu’Harry reste naïf. Dans la vie, détrompez-vous, ils sont trop beaux pour être vrai. Personnage principal, moteur de rêverie : Sur la proue du bateau, une silhouette guette l’ombre. Le vent se lève et entrouvre les pans de sa veste. A contre-jour, les non-dits se transfigurent en mystères d’un passé ténébreux. Y a-t-il des lecteurs capables de négliger les traces de Corto Maltese ou du capitaine Némo ? Mais le rêve du marin élégant et songeur, de l’aventurier loyal et infortuné, a tout du cliché romantique. Ces méchants qui fascinent: Ils sont bruns, habillés de noir, orgueilleux et mal aimés. Ils ont conquis une part d’autorité et l’exercent mal. Ils détestent le protagoniste et celui-ci le leur rend bien. Ils sont les ennemis parfaits, suffisamment odieux et suffisamment forts, pour que l’histoire fonctionne. Mais le livre avance et la méchanceté cache un mystère. Le mystère révèle une faille. Alors la haine disparaît, et nous pauvres lecteurs impuissants, nous voudrions presque les aider. Ils meurent ou disparaissent lorsque l’intrigue, cette égoïste, n’a plus besoin d’eux. Destin méconnu de tragédie antique. Et vous, quels personnages vous fascinent ? Savez-vous pourquoi ?  Quels personnages aimeriez-vous créer ? Avez-vous déjà réfléchi aux techniques que vous voudriez employer? Avez-vous déjà pensé à qui différencie les personnages que vous admirez des personnes que vous aimez? Et enfin, quels noms citeriez-vous pour ceux qui ont été décrits lors de l’atelier d’octobre ?

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Pleine lune, A. Muñoz Molina : roman policier ET grande oeuvre littéraire

Pleine lune: les ingrédients du roman policier Un inspecteur de police à la poursuite d’un tueur qui a commis un crime si terrible qu’il devrait être possible de le reconnaître au premier coup d’œil… La nuit, la pluie, l’automne et la peur. L’ombre du terrorisme basque qui plane. A priori, tous les ingrédients du roman noir sont là. Mais Pleine lune est plus qu’un roman policier. Entre tous les porteurs de secrets misérables ou atroces ou mesquins ou puérils, cet homme était le monarque clandestin, le maître absolu de tous les secrets, de la pire des infamies jamais avouées. Plus qu’un roman policier A la suite du héros que l’enquête oblige à un retour sur lui-même, le lecteur plonge dans une petite ville andalouse parmi des personnages forts qui révèlent l’art de l’écrivain. Il y a d’abord l’inspecteur ainsi que l’institutrice de la première victime, une femme forte et cultivée à laquelle le policier voue bientôt un amour fervent mais pusillanime. Autour d’eux, le roman grandit avec les parents de l’enfant assassinée, le médecin légiste, la deuxième fillette enlevée et, même, l’assassin. Chaque personnage vit sous le regard du lecteur tandis que le suspens croit, lentement et sûrement. Pleine Lune est aussi un texte engagé, qui montre les victimes trop souvent dédaignées. Captivant et riche, ce roman ne vous laissera pas indifférent. Des pistes de réflexion pour tout auteur Comme toute grande œuvre, Pleine lune a beaucoup à apporter aux écrivains novices. Voici quelques pistes de travail autour de la structuration du texte ou de la mise en place des personnages. Pleine lune :Une structure originale et pourtant presque insensible. Plusieurs points de vue : Le roman est composé d’une série de chapitres centrés sur des personnages différents, qui offrent à chaque fois un nouveau point de vue sur l’histoire. La structure fonctionne à base d’échos, de parallèles, de sauts temporels… L’intrigue gagne ainsi en légèreté et en efficacité tandis que l’auteur peut approfondir la vie et la psychologie des personnages. On perçoit mieux aussi le passage du temps et la durée de l’enquête. On est loin du roman policier classique mais cette technique fonctionne parfaitement. Mini-structure et macro-structure : Certains chapitres sont presque des nouvelles, avec une structure interne. Ainsi, le chapitre 2 est circulaire, commençant et terminant de la même façon, pareil à la vie du personnage qui semble ne pas savoir où il va. De plus, le livre terminé, on s’aperçoit qu’il y avait plusieurs intrigues entrelacées. L’œuvre acquiert ainsi un réalisme et un suspens remarquables, conciliant la mise en scène des imprévus de l’existence et la vraisemblance d’une histoire symbolique. La force du Pleine Lune : l’intimité entre le lecteur et les personnages On se souvient de certains livres pour leur suite de péripéties – l’aventure qu’ils nous font vivre. Mais d’autres romans nous attachent à eux plus fortement, par l’affection que suscitent en nous leurs personnages. Dans Pleine lune, l’auteur crée de l’empathie même avec l’assassin. Mais comment ? Voici quelques-unes des pistes que nous avons recensées : Il y a peu de descriptions physiques, et elles ne sont jamais des introductions au personnage : le récit n’est pas ralenti. A l’inverse, le lecteur est plongé dans l’intériorité des personnages grâce aux nombreux dialogues et passages en style indirect libre (le récit est présenté par les pensées des personnages et non par la voix du narrateur). Du fait de la proximité établie avec eux, le lecteur vit leurs péripéties intérieures (bilan, traumatisme, défi…) qui deviennent un enjeu du roman au-delà de l’intrigue policière. Enfin, l’auteur a recours à la mise en perspective à travers le regard des autres personnages. Il crée une vision globale des protagonistes (ce qu’ils sont, -ou pensent être- et ce que perçoivent les autres). Si le regard des personnages est admiratif, affectueux ou amoureux, cela contribue à former une image attractive pour le lecteur. Monter, ne pas dire : éthique de l’auteur Pleine Lune, qui a été écrit en partie en réaction à un fait divers, comporte plusieurs éléments permettant de faire passer une opinion qui enrichit le texte sans faire disparaître le plaisir de lecture. Dans Pleine lune, il n’y a pas de thèse. Par contre, le roman montre des personnages en proie à une situation qui invite à la réflexion éthique. Les éléments moraux les plus directs passent par le discours des personnages. Si les personnages ont des opinions personnelles, elles ne sont pas celles de l’œuvre. C’est au lecteur de tirer ses conclusions d’après les différentes valeurs proposées. L’auteur a recours aux symboles : c’est le cas pour la présentation de la presse qui est reliée à la pleine lune, c’est-à-dire à l’heure de l’assassin. Finalement, on pourrait dire que c’est la mise en récit de l’opinion de l’auteur qui fait l’histoire et c’est en cela que l’œuvre touche le lecteur, lequel est marqué émotionnellement et non rationnellement. L’impact est beaucoup plus profond. Pleine Lune est un grand roman qui se lit facilement tout en étant complexe et riche. Et vous, que donneriez-vous comme modèle de roman engagé ? Avez-vous déjà tenté ce type d’écriture ? Partagez-nous votre expérience ! Par Malie, 17/11/2016 Pleine Lune (Plenilunio), Antonio Muñoz Molina,Seuil, Paris, 1998 (1997), 439p. trad. Philippe Bataillon © Photodisc/Getty Images © Pixabay, (CCO) © Pixabay, (CCO) © 2015, L’Echangeoir d’écriture

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