L'Echangeoir d'Ecriture

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Jane Austen, lettres

Ecrire avec Jane Austen : Du fond de mon cœur, lettres à ses nièces.

  Vous n’avez jamais rêvé de recevoir les conseils de votre auteur préféré ? Avec Jane Austen, c’est presque possible. Je m’explique. Jane Austen avait plusieurs nièces qui écrivaient et lui envoyaient leurs textes. Bien que de nombreuses lettres aient été détruites, certaines ont été préservées et récemment traduites. Grace à elles, voici les grandes lignes de l’art d’écrire selon Jane Austen. Un credo de Jane Austen : la liberté de l’auteur Jane Austen le répète, c’est l’auteur qui a le dernier mot, et toutes ses critiques sont faites de façon à ne pas blesser. Elle argumente et justifie ses remarques, plaide pour l’humour et le plaisir d’écriture. Enfin, elle refuse de se plier aux modes et surtout elle encourage «  Je t’en prie, continue ! ». Un exemple à suivre pour bien des animateurs et bêta-lecteurs ! Approfondissement et  refus des clichés. Que ce soit au niveau de la construction de l’histoire, des personnages ou du style, Jane Austen rappelle l’importance d’aller au bout des choses, sans accepter la paresse du déjà-vu. Elle encourage toujours à refuser les expressions toutes faites, les personnages conventionnels et n’hésite pas à se moquer des livres qui y ont recours. Je crains qu’Henry Mellish ne soit trop proche du classique Héros de Romans : un jeune homme séduisant, aimable et irréprochable (comme il en existe si peu dans la vraie vie). [p. 34.] De la même façon, elle applaudit les efforts pour donner de la profondeur, refuse le manichéisme. Pour Jane Austen, un personnage un peu ambigu est  « bien plus intéressant ainsi que s’il avait été totalement bon ou affreusement mauvais ». J’imagine que vous êtes d’accord sur le principe, mais il est bon de le rappeler. Nous savons tous qu’il peut être difficile de doter ces personnages que nous chérissons tellement de failles ou de (vrais) défauts. De la  logique et  de la vraisemblance, les piliers d’écriture de Jane Austen. Pour Jane Austen, il faut être crédible aux yeux du lecteur. Inutile, dit-elle à l’une de ses nièces, d’accompagner tes personnages en Irlande, puisque tu n’y as jamais été. Qu’ils fassent leur voyage, mais pas de descriptions que des lecteurs pourraient juger fausses. De la même façon, les personnages doivent agir en fonction d’une seule et même personnalité, tout au long du roman. « Souviens-toi, elle est très prudente ; te ne peux la laisser agir de façon inconséquente ». Enfin, elle rappelle la nécessité de la vraisemblance. A ce niveau, elle fait une remarque que tout écrivain devrait garder en tête : ce n’est pas parce que quelque chose est vraiment arrivé, que ce sera acceptable dans un roman. J’ai supprimé le passage où Sir Thomas conduit en personne les autres hommes à l’étable le jour même où il s’est cassé le bras. Car, bien que ton Papa ait pu sortir se promener tout de suite après avoir soigné sa fracture du bras, c’est tellement inhabituel que cela ne me paraît pas naturel dans un livre.[ p. 23]   Oublier son égo d’auteur et supprimer tout ce qui ne sert à rien. Tout auteur s’est trouvé un jour devant ce dilemme : un passage que l’on aime mais qui ne sert à rien. Jane Austen nous rappelle toute l’importance de savoir supprimer, tout en reconnaissant que cela peut nécessiter un peu de temps. J’espère qu’une fois que tu auras bien avancé, tu te sentiras capable de supprimer certaines des scènes précédentes. Celle avec Mrs Mellish doit être éliminée : elle est insipide et n’apporte rien à l’intrigue. [ p. 32] De la même façon, elle invite à être concise et à ne pas confondre plaisir d’écriture et plaisir pour la lecture : Tu dépeins un lieu fort agréable ; cependant tes descriptions sont souvent trop minutieuses pour rester attrayantes. Tu te disperses et donne trop de détails de-ci de-là. [ p. 29] Et oui, encore un auteur qui nous dit qu’écrire c’est aussi effacer… Pour le plaisir, une dernière citation : Pour terminer en beauté, voici l’un de mes passages préférés où l’on retrouve le ton caustique et la liberté d’idées de Jane Austen.  Elle écrit à sa nièce Anna à propos d’un de ces personnages: Je préférerais que tu ne le fasses pas plonger dans un « Tourbillon de Débauche ». Je n’ai aucune objection pour la chose en elle-même mais je ne puis souffrir cette expression ; c’est une image littéraire tellement rebattue et si ancienne que j’ose affirmer qu’Adam la rencontra lorsqu’il ouvrit le premier roman ». [p. 36] N’hésitez pas à vous découvrir le livre, s’il ne parle pas entièrement d’écriture (seule la première partie en traite vraiment), il vous permettra de voir la distance entre l’auteur et ses personnages. Et ça, c’est aussi un élément à rechercher pour tout écrivain qui souhaite toucher ses lecteurs. Bonne lecture /écriture et à bientôt. Jane Austen, Du fond de mon cœur, lettres à ses nièces, Ed. Finitude, le livre de Poche, 2015, 185 p.

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trouver une voix pour son personnage

Trouver une voix pour son personnage: petit détour par l’atelier d’écriture

Lors de notre atelier d’avril, nous avons pris le temps de réfléchir sur la façon de trouver une voix pour son personnage. Avec la complicité de certains de nos participants, découvrez quelques trucs d’écriture pour faire parler vos personnages. Le principe de l’atelier « trouver une voix pour son personnage » Comment trouver une voix pour son personnage ? Comment réussir à la rendre identifiable, personnelle et surtout différente de celle de l’auteur et du narrateur ?  Voici quatre conseils basiques : Se rappeler que nous parlons en fonction de notre personnalité, nos mœurs, nos origine, notre âge. De plus, nous avons tous des mots préférés mais aussi des tics de langage, des béquilles, des rythmes qui reviennent. Ecoutez. De même qu’il est vain de chercher à écrire sans lire, si vous voulez faire parler vos personnages, commencez par écouter comment on parle autour de vous. Ecoutez dans la rue, les transports et les cafés (comme Flaubert !), écoutez dans les lettres, les journaux, les romans, les films et des séries… Ecoutez, choisissez, retenez ce qui conviendra pour tel ou tel personnage. Souvenez-vous enfin que vos dialogues ne sont pas de vraies conversations mais des échanges sélectionnés pour faire avancer le texte et avoir l’air réaliste. Les phrases échangées seront toujours plus « travaillées » que dans la réalité. Par ailleurs, elles seront aussi plus concises et moins répétitives. Ancrez votre dialogue dans la situation. Vos personnages ne parleront pas de la même manière s’ils sont en pleine forme, malades ou ivres, s’ils viennent d’apprendre un décès ou de réussir un examen ! Les textes des participants : Après quelques étapes préparatoires, les participants se sont lancés dans l’écriture d’un monologue intérieur racontant un cauchemar. (A partir d’une photo montrée lors de l’atelier). Chacun a tenté non seulement de créer un univers de rêve mais aussi de trouver les mots qui ne seraient que ceux de leur personnage. Merci à Christine, Richard et Vincent d’avoir bien voulu proposer leurs textes. Voici le texte de Christine : ICI Puis celui de Richard :ICI Et enfin le texte de Vincent : ICI Bonne lecture et à bientôt !

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cit écrire mémoire d'un métier King

Ecriture, mémoires d’un métier, les conseils de Stephen King.

Ecriture, mémoire d’un métier est un livre agréable à lire, drôle, direct, sans prétention et utile. C’est un parfait contrepoint à L’Anatomie du scénario que je vous avais présenté il y a peu, dans le sens où il préconise presque tout le contraire de ce que propose Truby. A vous de piocher et choisir ce qui vous convient le mieux ! Les conditions à mettre en place pour devenir un bon écrivain Tout d’abord, Stephen King retourne dans son enfance pour trouver ce qui a nourri son imagination. En plus d’être truculente, cette partie du texte s’attaque aux questions de l’origine de l’écriture. Une première partie à méditer pour mieux se connaître, d’autant que SK n’hésite pas à nous transmettre les conseils qui l’ont le mieux aidé à se former.   Les outils de l’écrivain A l’instar de nombreux écrivains, S. K considère l’écriture comme un artisanat. Aussi n’hésite-t-il pas à partager sa « boite à outils ». Dans la deuxième partie, vous trouverez donc les éléments techniques, de langue, de style qu’il emploie et la façon dont il s’est entraîné à les utiliser. Bien sûr, tous ne sont pas adaptables à la langue française. Mais à coup sûr, vous y trouverez des idées, des pratiques à tester et quelques conseils prêts à l’emploi. Des conseils et des astuces d’écriture Ensuite, SK annonce la couleur. Il ne peut rien faire pour les mauvais écrivains. Par contre, il peut aider ceux qui ont du talent à le déployer – à condition qu’ils soient d’accord pour travailler dur-. En 16 paragraphes, il développe ce qu’il considère être les clés d’une bonne écriture. Tout y passe, depuis l’importance des lectures assidues, jusqu’aux questions de rythme, de recherches contextuelles en passant par les descriptions, personnages, relectures ou les pistes pour rendre des dialogues vraisemblables. Encore une fois, c’est à vous de faire le tri. Vous trouverez forcément des choses intéressantes.     Bien que je ne sois pas une passionnée de S.K j’ai relu à plusieurs reprises et avec le même plaisir Ecriture…J’y ai trouvé des conseils essentiels, différents à chaque fois. En ce moment, mon préféré (sans doute parce qu’il m’ait difficile de faire court) est la formule de réécriture : version 2 = version 1 -10% : « tout texte peut, dans une certaine mesure être resserré. (…) Des coupes judicieuses ont un effet immédiat et souvent stupéfiant, – un vrai Viagra littéraire [1]». Alors n’hésitez-pas, allez-y, puisez-y et partagez-nous votre conseil favori, il servira forcément à quelqu’un. [1] Stephen King, Ecriture, mémoires d’un métier, Albin Michel, 2000, col. Le livre de poche, p. 266.

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une critique constructive

Apprendre à réaliser une critique constructive 1/2

A L’Echangeoir d’écriture nous préparons notre programme d’accompagnement personnalisé à l’écriture et la relecture. Du coup, nous avons pensé que nos réflexions sur la réalisation d’une critique constructive pourraient vous intéresser, pour vos propres textes ou ceux que vous lisez. En voici un petit résumé en deux parties. Aujourd’hui, vous trouverez des informations pour vous positionnez par rapport à l’auteur et au texte. Mardi prochain, nous vous proposerons des pistes pour analyser et transmettre. Prendre en compte l’auteur pour une critique qui passe Un texte c’est une partie de soi. Pour l’auteur, c’est s’exposer, se dévoiler, être jugé. Bien sûr, il ne s’agit que d’un unique exemple de travail. Pourtant, dans le fond, c’est toujours un test sur notre capacité à écrire. Selon l’âge, l’expérience, la confiance en soi, les auteurs ont différentes relations à leurs textes. Certains ont des doutes sur leur droit à écrire tandis que d’autres ne l’avoueront jamais (ou peut-être si !) mais ils se prennent déjà pour le prochain prix Goncourt… Il faudra donc prendre soin de ne pas détruire l’envie d’écrire de l’auteur tout en lui rendant la critique acceptable. Et puis, il faut aussi satisfaire les auteurs habitués aux relectures et qui (sans l’avouer eux non plus) attendent de vous la remarque providentielle. Bref, une critique constructive, ce n’est pas une mince affaire ! Parler uniquement et précisément du texte : le premier principe de la critique constructive.  Ne pas attaquer l’auteur Si on prend en compte l’auteur dans notre regard sur le texte, le mieux est de n’en jamais parler ! C’est paradoxal, mais cela évite d’une part les attaques personnelles (tu n’as jamais su faire…, pour qui tu te prends de raconter ça…). D’autre part, cela empêche de confondre texte et auteur. Dire à un auteur « tu dis que… »  alors que l’on reprend des propos d’un personnage ou d’un narrateur, c’est faire une erreur d’interprétation qui peut être très déplaisante. C’est aussi oublier que le texte doit être vu en tant qu’objet ayant des enjeux textuels (forme, signification, émotion, esthétique, éthique…). Donner une vision générale et émotionnelle Personnellement, avant que l’on me triture tel ou tel élément, j’apprécie que le lecteur me donne une perception globale du texte, de l’effet d’une lecture « innocente ». Je suggère donc de faire une première lecture sans annotation, puis d’en écrire un résumé. Marquez ce que vous pouvez dire de l’histoire, les sentiments que le texte vous inspirent, si vous avez aimé (ou pas) le lire, si une idée vous en reste. Ne pas s’arrêter à l’orthographe et à nos goûts stylistiques Bon, noter les problèmes d’orthographe, c’est important. Mais l’orthographe reste un outil qui demande une correction, pas une critique. Si l’orthographe vous gêne, demandez d’abord une correction et reprenez la critique ensuite. De même ne plaquez pas vos goûts et aspirations sur le texte. Vous aimez les phrases courtes et ce ne sont que des phrases longues. D’accord, et bien les questions à se poser sont : est-ce en accord avec la signification du texte ? Est-ce que cela gênera tous les lecteurs ou seulement moi-même ? Une critique constructive oublie l’auteur, mais bien souvent aussi les goûts du bêta-lecteur ! Analyse des détails précis de façon argumentée Il y a une règle importante, il faut éviter les formules floues du style « c’est inégal ». D’accord, on a compris que ce n’était pas du même niveau partout, mais où est le bon, où est le mauvais ? Quels sont les éléments qui vous plaisent ? Qu’est-ce qui vous semble moins adéquat ? Une critique constructive s’établit par rapport au style, à l’intrigue, à l’éthique, aux personnages, aux mots. Listez-les en relisant plusieurs fois. Et n’affirmez pas, argumentez et indiquez ce que cela transmet. Par exemple : « J’aime la musicalité de ce texte ». Vous pouvez le transformer en «  j’aime les choix de rythme (telle phrase longue qui alterne avec telle phrase courte), les sonorités (ici, les « » et « » qui renvoient à tel visuel), la trame symphonique, le balancement jazzy…. Tout cela m’a donné l’impression d’être dans un monde … / de mieux voir la personnalité du personnage, de mieux cerner le but final du texte ». Conclusion : cherchez à expliquer chacune de vos intuitions. Savoir se positionner en tant que critique/ bêta-lecteur c’est donc prendre une triple distance : vis-à-vis de l’auteur, du texte et de soi-même. C’est contraignant mais tellement enthousiasmant ! Vous cernez mieux le texte, vous voyez le processus d’écriture, les progrès de l’auteur. Et, si vous êtes vous-même écrivain, n’oubliez pas que cela vous entraîne à avoir un regard critique sur vos propres textes ! Mardi prochain je vous proposerai quelques fiches et questions types puis nous verrons comment exprimer tout ça à l’auteur. Bonnes lectures !

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Nouvelle à chute, nouvelle instant, nouvelle expérimentale… découvrez nos outils d’écriture

Conseils pour la nouvelle, suite ! Découvrez quelques outils d’écriture pour vous lancer dans les formes spécifiques comme la nouvelle à chute, la nouvelle-instant et la nouvelle d’expérimentation.   L’article est un peu long, n’hésitez pas à aller voir directement les outils d’écriture qui vous intéressent : Pour la nouvelle à chute La nouvelle instant La nouvelle expérimentale Outils d’écriture pour la nouvelle à chute Plus que dans les autres formes de nouvelle, la fin de la nouvelle à chute doit être anticipée depuis le début. Si vous voulez surprendre votre lecteur, vous devez préparer votre surprise dès les premiers mots, mieux dès le titre. Pour cela, vous devez savoir quoi dire pour lancer votre lecteur sur des fausses pistes, quoi taire pour qu’il n’évente pas le secret, quoi annoncer petit à petit pour que la chute ne semble pas non plus invraisemblable. Voici quelques idées pour créer une chute réussie : Prévoir une fin qui soit l’inverse du début : Dans Le K de Dino Buzzati, le monstre des mers est présenté tout au long du récit comme une horrible menace qui pèse sur le personnage. Pourtant, la confrontation finale le révèle comme la chance à jamais ratée du protagoniste. Terminer sur une phrase qui « claque » ou qui étonne : C’est ce que fait Ruffin, par exemple, dans Le refuge del Pietro. Tout au long de la nouvelle, le narrateur parle de la fantastique randonnée vers ce refuge qui devait célébrer son retour à la montagne. Mais il termine sa narration, de plus en plus atroce, en disant que ce refuge n’existe plus … depuis plus de 18 ans. Créer une révélation inattendue : Dans L’oreiller de plume (Quiroga), une jeune mariée souffre d’une maladie inexpliquée… La fin offre une explication totalement inattendue, mais elle  est annoncée par le titre. Serez-vous capable de deviner ? Glisser d’un univers à un autre : Partez du réel pour arriver dans le merveilleux ou le fantastique… ou l’inverse. C’est la technique classique du rêve avec une fin sur le réveil du protagoniste. Bien sûr, elle peut être adaptée à de nombreuses autres situations (changement de personnages, de lieu, de réalité, de monde…). Rester dans le flou : Optez pour une fin ouverte qui permet plusieurs interprétations ou laisse au lecteur la possibilité de fermer l’histoire à sa guise. Clore de façon définitive : Beaucoup de nouvelles se terminent en annonçant la mort du protagoniste. Attention cependant,  à ne pas trop en faire, c’est l’incertitude qui marque le lecteur. Pensez à Les naufragés (Ruffin) , Le Horla… Heureusement, il ne s’est pas rendu compte, pendant que nous déménagions, que j’avais gardé un de ses revolvers. Quand il passera me chercher, à huit heures, il sera trop tard.  (Les naufragés, J.C Ruffin).   Outils d’écriture pour la nouvelle instant La nouvelle instant peut exiger plus de technicité au moment d’écrire. Elle demande aussi une capacité à générer l’attention du lecteur autrement que par l’action. Elle nécessite donc la maîtrise d’outils d’écriture particuliers, mais sa pratique est aussi extrêmement enrichissante. Voici deux techniques de travail possibles (parmi d’autres). L’instant symbolique Choisissez un moment de la vie quotidienne mais qui peut devenir symbolique, par exemple, le premier café du matin comme représentation du renouveau. Bon, c’est vraiment un exemple bas de gamme, le mieux c’est d’aller voir chez Philippe Delerm. Sortez-en tous les détails et choisissez les éléments les plus représentatifs à conserver. Ensuite, commencez à décrire ce moment, en alternant le symbolique et le descriptif. Pensez aussi à travailler le style pour être le plus poétique possible, sans en faire trop. La nouvelle instant est souvent plus réussie quand elle est minimaliste, donc n’hésitez pas à couper, simplifier. le souvenir exploré S’il s’agit d’explorer un moment, vous pouvez choisir un souvenir que vous mettez en relation avec une sensation : vue, odeur, toucher… Vous commencez par développer le souvenir pour en faire une petite narration. Faites attention à ne pas perdre de vue le sens auquel le souvenir est lié. Puis, intégrez-le dans un récit cadre, dans lequel le narrateur rencontre la sensation qui le ramène au souvenir (comme pour la madeleine de Proust, pour rester dans le très connu). Vous aurez alors une nouvelle qui déploiera le souvenir lié à la sensation d’un moment. Expérimenter : La nouvelle est un support fantastique pour expérimenter des nouveaux thèmes ainsi que des outils d’écriture. Cela nous fait sortir de nos habitudes, découvrir de nouveaux horizons. Souvent, on peut aussi trouver des solutions à des problèmes rencontrés antérieurement. En plus des formes que nous venons de présenter, voici quelques exemples d’outils d’écriture pour expérimenter avec la nouvelle : Des tests formels : Ecrivez un texte, puis testez-le avec un autre narrateur (tu au lieu de il, comme dans La Maladie de Sachs par exemple).Changez aussi le point de vue. Créez, par exemple,  un personnage témoin qui voit et raconte depuis son point de vue, comme Watson dans Sherlock Holmes. Changez les temps et pourquoi pas, mélangez-les. Qu’est-ce que ça fait, de passer une partie au présent et de garder l’autre au passé? Quel est l’effet ? Utilisez l’ « écriture blanche » sans émotion. Ensuite tentez la parodie, ou le lyrisme… Essayez aussi différentes longueurs de textes et de phrases. Imposez-vous des phrases très courtes ou alors écrivez tout en une seule phrase… Enlevez toute la ponctuation et remettez-la différemment. Prenez une page blanche et réécrivez un paragraphe sur deux, sans vous relire et voyez ce que cela transforme. Interdisez-vous les adjectifs ou une certaine sonorité ou alors imposez-vous en une… Les idées sont multiples, elles vous apprendront toutes quelque chose. Des contraintes extérieures : Utilisez des images, des mots ou des citations que vous tirez au sort et que vous vous obligerez à placer dans un texte. Choisissez une musique (sans parole) et écrivez un texte qui colle à cette musique ou à une forme musicale (jazz, symphonie, chanson…). N’hésitez pas à consulter les livres ou les sites d’atelier d’écriture, vous trouverez des milliers d’idées ! Des possibilités hors habitude d’écriture : Reprenez l’un de vos textes et réécrivez-le dans un genre que vous n’avez jamais tenté : du fantastique si

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Conseils avant de se lancer

4 conseils pour écrire une nouvelle

Nous voici enfin arrivés au moment-clé ! Mais avant de découvrir ces 4 conseils pour écrire une nouvelle, attaquons-nous au grand problème. Qu’apporte l’écriture de la nouvelle ? Et à quoi doit-on penser lorsque l’on veut écrire une nouvelle ? La nouvelle est un genre très sophistiqué, qui réclame des lecteurs cultivés, des gens qui ne confondent pas la quantité avec la qualité. Clara Obligado, nouvelliste argentine[1]. Écrire des nouvelles, est-ce que ça en vaut la peine ? La nouvelle n’est pas un genre à la mode. Même si les concours de nouvelles sont nombreux, il est rare que les textes des nominés arrivent au grand public. Certains se demandent peut-être si cela vaut la peine d’y consacrer du temps au lieu de se lancer dans des projets plus éditables. Pourtant, la nouvelle est un exercice extrêmement formateur et un formidable champ d’expérimentation. Si vous hésitez encore, voici quelques arguments en faveur de la nouvelle. C’est un format court : donc on peut s’y consacrer sans désespérer du temps passé. Parce qu’elle est courte, elle peut facilement être remaniée, retravaillée sans que l’on soit effrayé du travail à (re) faire. Parce qu’elle n’est pas très commerciale, c’est un champ d’expérimentation littéraire plus libre. C’est un type d’écriture qui demande une très grande concision, donc qui apprend beaucoup. Il existe beaucoup de concours de nouvelles et quelques très bonnes maisons d’éditions qui en publient. Pour ceux qui visent la publication, elles restent donc une possibilité de se faire connaître. En résumé, la nouvelle est le genre idéal pour apprendre ou perfectionner l’art de l’écriture. Je propose de partager avec vous quelques conseils pour écrire une nouvelle, glanés chez les auteurs, les éditeurs, les critiques et aussi un peu dans ma pratique personnelle. A l’origine, je ne voulais faire qu’un seul article sur ce sujet, mais ce serait trop long, alors je vous propose aujourd’hui les conseils généraux et après-demain les trucs et méthodes pour les formes spécifiques (nouvelles à chute, nouvelle instant…) 2 conseils pour écrire une nouvelle d’ordre général : Lire, lire mais lire en écrivain Ça, c’est un conseil ultra général, mais il reste fondamental. Imprégnez-vous des meilleurs auteurs de nouvelles. Lisez pour le plaisir. Lisez pour l’écriture. Laissez-vous porter par les histoires tout en prenant des notes. Notez ce qui vous a plu et aussi ce qui vous a déplu. Ce que vous aimeriez imiter, ce que vous ne voudriez surtout pas faire. Ce que vous aimeriez transformer, faire vôtre, subvertir, réutiliser. C’est ainsi que vous forgerez votre pensée, votre langue et tous vos instruments d’écriture. C’est ainsi que vous trouverez votre style. (Et si vous manquez de référence, la semaine prochaine, je vous transmettrai une bibliographie exclusivement consacrée à la nouvelle) S’approprier la forme Mais lire ne suffit pas. Voici quelques conseils de travail qui peuvent servir aux auteurs débutants comme aux plus confirmés. Si vous avez bien suivi les articles précédents (et oui, il y a une logique !) ils ne devraient pas vous surprendre. Petit vade-mecum à l’usage des pressés : la base des conseils pour écrire une nouvelle Ne partez pas dans tous les sens, restez sur une idée et approfondissez-là au maximum. Ayez à l’esprit une intrigue claire et efficace. Centrez-vous sur le plus petit nombre possible de personnages. Prévoyez la fin avant de commencer à écrire. Coupez tout ce qui n’est pas strictement nécessaire à l’avancée de l’intrigue. Expérimentez : tentez de nouvelles formes, de nouveaux genres, lancez-vous des défis ! Deux savoir-faire incontournables : Prévoir l’effet Que vous écriviez en vous laissant porter par votre inspiration ou que vous commenciez par faire un plan, si vous vous lancez dans l’écriture d’une nouvelle, à un moment ou à un autre, il faut vous arrêter et réfléchir à ce que vous écrivez. Vous devez avoir une vision globale de ce que vous voulez réaliser, de l’effet que vous voulez produire sur le lecteur. Soyez capable de répondre à une question du style : qu’est-ce que mon histoire doit transmettre au lecteur ? Une fois que vous avez la réponse, faites-en la prémisse de votre récit et plus encore, faites en sorte que tout le récit, de la première à la dernière phrase ait pour but de faire fonctionner cette prémisse, de générer cet effet sur le lecteur. L’artiste, s’il est habile, n’accommodera pas ses pensées aux incidents, mais, ayant conçu délibérément, à loisir, un effet à produire, inventera les incidents, combinera les événements les plus propres à amener l’effet voulu. Si la première phrase n’est pas écrite en vue de préparer cette impression finale, l’œuvre est manquée dès le début. Baudelaire, Notes nouvelles sur Edgar Poe  Travailler la concision Parce qu’elle est courte, la nouvelle est le lieu de la concision. Tous les auteurs l’ont dit à un moment ou à un autre, il faut savoir choisir, ne pas trop dire. Alors n’hésitez pas à couper, à ciseler, à inciser. Comptez sur les silences, les non-dits : les lecteurs sont intelligents et leur inconscient remplira les blancs. Vous devez arriver à une unité et une clarté d’intrigue qui créera une tension interne et pour cela chacun de vos mots doit servir votre but de narration. Mais bon, n’oubliez pas non plus de faire une relecture pour vérifier que votre récit reste compréhensible ! L’unité d’impression, la totalité d’effet est un avantage immense qui peut donner à ce genre de composition une supériorité tout à fait particulière, à ce point qu’une nouvelle trop courte (c’est sans doute un défaut) vaut encore mieux qu’une nouvelle trop longue. Dans la composition tout entière il ne doit pas se glisser un seul mot qui ne soit une intention, qui ne tende, directement ou indirectement, à parfaire le dessein prémédité.   Baudelaire, Notes nouvelles sur Edgar Poe. Si vous gardez cela à l’esprit, vous avez les principaux ingrédients pour vous lancer dans l’écriture de la nouvelle. Et pour ce qui est des formes particulières (nouvelle à chute, nouvelle instant, nouvelle expérimentale…) rendez-vous jeudi. Vous pourrez découvrir quelques techniques et conseils plus spécifiques. [1]Clara Obligado, interview donnée à El

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cinq mots pour vibrer dans le texte

Cette phrase contient cinq mots, histoire d’un conseil viral.

Pour bien commencer l’année, voici un conseil d’écriture que je voulais absolument partager avec vous : l’histoire des cinq mots. L’histoire des cinq mots Au mois de septembre dernier, un journaliste argentin (Axel Marazzi) partageait sur Twitter son secret d’écriture, LE conseil qui l’avait le plus inspiré tout au long de sa carrière. Deux jours plus tard, le message avait été retwitté plus de 5000 fois !

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Avoir du style: ce que c’est et ce que ce n’est pas (2/2)

           Après avoir déblayé la question du style en définissant ce qu’il n’était pas, il est temps de préciser ce que serait « avoir un style littéraire ». Nous avions noté qu’il s’agissait de s’adapter au sens. Plus en détail, on pourrait lister un certain nombre d’éléments « faisant style » : Quelques outils pour gérer son style. Une question de musicalité :  « Le poème – cette hésitation prolongée entre le son et le sens[1] ». Chaque langue offre suffisamment de choix pour nous permettre de combiner les mots selon leur sens et leur sonorité. On ne peut pas toujours arriver au fameux sifflement créé dans la réplique d’Oreste : « pour qui sont ses serpents qui sifflent sur vos têtes[2] ». Il ne serait d’ailleurs pas judicieux de le rechercher à tout prix. Pourtant, bien choisies, les assonances (répétition d’une voyelle) et les allitérations (répétition d’une consonne) viennent renforcer nos textes, créant selon les choix, douceurs, violence, dureté. Une question de rythme : Rien n’est plus ennuyeux que d’entendre des phrases qui semblent toutes faites sur le même modèle. C’est lancinant, monotone et endormant. Donc, variez. Mélangez du long et du court, des juxtapositions et des subordinations et pourquoi pas, quelques coordinations. Adaptez à ce que vous racontez. Ainsi, n’hésitez pas à chercher différentes bandes-son pour accompagner chaque partie de votre texte. Ensuite, analysez leur rythme, voyez comment vous pouvez vous en inspirer pour combiner vos phrases. Une question d’image : Certes, les figures de style nous renvoient à nos cours de lycée. Il ne faut pas les dédaigner pour autant. Éloignés de l’usage commun, elles donnent l’impression d’un sens nouveau et pourtant naturel. Mais les images peuvent être aussi des assemblages de mots ou d’idées, pas forcément répertoriés comme « figure ». L’important est de déclencher l’émotion esthétique chez votre lecteur, par leur pouvoir de suggestions, pour créer une ambiance, une émotion.  Ainsi, bien employées,  images et figures permettront de glisser plus profondément dans votre histoire, en marquant l’inconscient du lecteur. En exemple, voici le premier texte qui m’a marqué de façon littéraire :   Une vision du monde:  « La singularité d’un « nouvel artiste » qu’il se nomme Renoir ou Morand, est toujours dans les rapports nouveaux qu’il sait établir entre les choses. –Non les choses mais leurs rapports[3]. » En effet, ce qui différencie une anecdote d’une fiction littéraire, c’est ce qu’elle révèle de l’existence. C’est pour cela que de nombreux auteurs ont cherché un mode d’expression qui permette de transmettre leur vision du monde. Lorsque c’est réussi, cela parait naturel. Parfois, il a fallu des années de batailles avec le vocabulaire et la syntaxe pour que l’auteur soit satisfait. Encore une fois, il s’agit d’adaptation. Donc, en vous relisant, réfléchissez. Comment vos choix linguistiques, thématiques et structuraux soutiennent-ils ce que vous voulez exprimer ? L’essence de la langue : Le style littéraire c’est aussi la capacité de dire uniquement le nécessaire. Pour cela, l’expérience compte beaucoup comme l’explique le critique Maurice Edgar Cointreau du processus qui amena Steinbeck à écrire l’un de ces chefs d’œuvre : « La perfection de ce roman très bref vient sans doute du fait qu’au cours des années précédents, John Steinbeck avait conjuré ses démons. Son romantisme débridé avait imprégné Cup of Gold ; son panthéisme s’était tari dans To a God unknown, son humour avait explosé ans Tortilla Flat, et sa mystique libertaire lui avait dicté In Dubious Battle. De ces quatre produits soigneusement décantés, ne restait que la quintessence d’où naquit Des souris et des hommes. (…) Tout y est à sa place et il n’y a pas un mot de trop[4]. ». En conclusion,  que penser du style? Finalement, avoir du style ne serait-ce pas sortir de l’enfance de l’écriture pour entrer dans son âge adulte ? Et pour vous, qu’est-ce qui caractérise le style ? Comment qualifieriez-vous le style de votre auteur préféré ? Admirez-vous ces auteurs capables de s’exprimer de façon totalement différente selon le genre d’œuvre qu’ils écrivent ? [1] Paul Valery, Œuvres II (1941), éd. Gallimard, Paris, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1960, chap. Rhumbs, p. 636 [2] Racine, Andromaque, Acte 5, scène 5 (Oreste). [3] Gérard Genette, Palimpsestes, la littérature au second degré, éd. Le Seuil, Paris, coll. “Points Essai”, 1982, chap. XIX, p. 142. [4] Maurice Edgar Cointrau, “John Steinbeck, écrivain californien” introduction à Des souris et des hommes,  éd.Gallimard, Paris, coll. Folio, p. 21. ©Pixabay, (CCO) ©Pixabay, (CCO)

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